Rendez-vous à la Fondation Taylor

Fondation Taylor
1 rue La Bruyère 75009 Paris
du 4 au 27 janvier 2018

André Bongibault, “Énergie”,
burin, aquatinte et manière noire (Cl. G. Robin)

Qui ne connaît la Fondation Taylor, cet ancien hôtel particulier situé à Paris , à quelques pas de la place Saint-Georges ? On sait que, dès 1844, le baron Isidore Taylor, personnalité atypique de l’époque, homme de culture, auteur dramatique puis mécène, créa une association d’entraide pour les artistes peintres, sculpteurs, architectes, graveurs et dessinateurs. Et c’est ici en 1949, suite à un legs du peintre Albert Maignan, qui en fut le président de 1905 à 1908, que la fondation s’installa.

Aujourd’hui encore, sous la houlette du président Jean-François Larrieu, en fonction depuis mai 2010, la fondation continue à soutenir les artistes, à organiser ou recevoir des expositions, sur ses 250 m2 de surface dédiée, et à révéler des talents en décernant chaque année nombre de prix.

Fait exceptionnel, ce jeudi 11 janvier 2018, le lieu, dans ses locaux rénovés qui en fond un superbe écrin de présentation, était entièrement dévolu à la gravure, avec deux manifestations de grande qualité.

Trois lauréats à l’honneur

Hélène Damville “Sans titre“, burin et aquatinte (Cl. G. Robin)

Aux rez-de-chaussée et sous-sol, trois lauréats de la fondation : André Bongibault, l’une des grande signatures de la gravure actuelle, grand prix Léon-Georges Baudry 2016, destiné à honorer un artiste « d’un réel talent figuratif pour la qualité de l’ensemble de son œuvre » ; Hélène Damville, prix Jean Asselbergs 2017, dédié à un(e) jeune artiste ; Carole Texier, prix Paul Gonnand 2017, décerné à un(e) buriniste. Un trio d’excellence au rendez-vous !

Carole Texier “Humains 4“, burin (Cl. G. Robin)

Pour André Bongibault, qui s’adonne aussi à l’œuvre peinte, la gravure est une véritable symphonie picturale, où aquatinte, manière noire et burin sont les révélateurs d’une énergie visuelle et mentale exceptionnelle, reflétant une pensée profonde, empreinte de philosophie orientale. Pour Hélène Damville, marquée par la pratique du dessin et de la peinture dans les laboratoires d’anatomie comparée du Muséum d’Histoire naturelle de Paris, la gravure est l’expression rebelle de visions fortes, peut-être en blessures qu’elle sculpte avec vigueur dans le bois, le lino ou le métal, pour exprimer, – après des visions végétales torturées -, gueules cassées et danses macabres. Quant à Carole Texier, chantre de la taille directe sur lino et métal, elle évoque sur la teinte claire du papier japon, ici en traits d’encre au noir intense, là en lignes fines enserrant des teintes légères, des silhouettes désincarnées de Humains ou Signica, mais évocatrices, dans des postures figées ou en mouvement, d’une pensée complexe et d’une grande richesse ouverte à l’interprétation de chacun.

La Taille et le Crayon

Dans l’atelier, à l’étage supérieur, une autre exposition fera date, pour deux raisons : la seconde étant le salon annuel – le 15e – d’une grande association de défense et de promotion de l’art : La Taille et le Crayon, fondée en octobre 2000 par un groupe de graveurs, d’amateurs et de critiques d’art, présidée par Claude Bouret, vice-président de Taylor et conservateur en chef honoraire à la BnF, pour « mettre en valeur la richesse des rapports créatifs entre les techniques du dessin et les procédés de gravure ». La première étant le titre de l’exposition, provoquant à souhait, car faisant fi, encore plus qu’au rez-de-chaussée, de la parité ! : Femmes graveurs – Femmes gravées. Mais ne nous plaignons pas, la qualité est là encore au rendez-vous.

Christine Gendre-Bergère ,”Autoportrait“,
pointe sèche (Cl. G. Robin)

Autour de l’invitée d’honneur, Christine Gendre-Bergère, qui a représenté en une douzaine de grandes eaux-fortes verticales (93 cm de haut, en trois plaques !) plusieurs de ses consœurs graveures en action, des artistes dont les noms sonnent dans nombre de salons et nous interpellent, plusieurs autres graveuses avaient été invitée. Thérèse Boucraut, qui s’adonne magistralement à l’autoportrait ; Sylviane Canini, dont les représentations humaines, suggérées ou ébauchées, laissent libre cours à l’imaginaire de chaque spectateur ; France Dumas, qui croque à loisir les temps forts de ses rencontres et s’en nourrit pour alimenter des eaux-fortes, qui « sont les traces d’un moment, d’un visage, d’un spectacle, d’une émotion » ; Marie Guillet, qui utilise diverses manières de la taille-douce pour mettre en scène des personnages esquissés, dans des ambiances en lavis ; Véronique Laurent-Denieuil enfin, qui scrute le visage pour en capter, au travers de sa manière préférée – l’aquatinte au sucre -, les émotions fugitives, la fragilité d’intériorités et la force de regards qui souvent se dérobent à celui, inquisiteur, du témoin de passage.

Toutes ces “estampières” sont dans une diversité d’expression qui démontre, s’il en était encore besoin, l’étendue du registre créatif de la gravure, et bien sûr, une présence qui porte haut l’expression picturale de l’estampe.

Gérard Robin