Salon des Beaux-Arts 2018

Salon de la SNBA 2018
13 au 16 décembre
Carrousel du Louvre
99, rue de Rivoli – 75001 Paris

La Société nationale des Beaux-Arts (SNBA), présidée par Michel King, propose l’opus 2018 de son salon annuel, une manifestation qui, depuis la fin du XIXe siècle, maintient sa tradition d’encouragement et de soutien aux artistes. Et, le parrain du salon, Kenzo Takada, d’écrire en présentation du catalogue : « Au cœur de Paris, au bord de la Seine, non loin du Pont des Arts, le Salon des Beaux-Arts accueille le chœur des artistes du monde pour un hymne muet, celui en formes et couleurs, à la gloire de la beauté aux multiples visages. Je suis ému de participer avec ma nouvelle voix à ce chant si bien orchestré. » Il est vrai que le Salon des Beaux-Arts, dans la salle Le Nôtre, est un bel écrin, avec ses cimaises noires, pour accueillir les artistes et leurs œuvres. Et, la section « gravure » se devait d’être à la hauteur, dans cette débauche de formes et de couleurs qui s’offre au regard dans le lieu dédié aux arts plastiques qu’elle côtoie. Elle se trouve dans la partie centrale de l’entrée, une sorte de longère précédée d’un couloir resplendissant de sculptures ou découpes de papier, métamorphoses accrocheuses de lumière de la fibre de kozo (mûrier), conçues par le couple franco-japonais Jean-Michel Letellier et Miki Nakamura, et qui se termine par les sections dites « naturaliste » et « photographique », présentant des images superbes et de grandes dimensions.

Une vue plongeante de la section gravure (Cl. Gérard Robin)

Le challenge est donc grand, pour la présidente Sophie Sirot, de proposer un espace d’exposition d’estampes nécessairement plus sobre tout en restant aussi attractif dans l’environnement évoqué. Le constat est celui de la réussite, avec la présence de 25 exposants, elle comprise : Hélène Baumel, Hélène Bautista, Arthur Capmas, Münevver Cillov, Romain Coquibus, Clara Crespin, Yoshiko Fujita, Sandrine Grimaud-Lebeaux, Rania Homsy, Jean-Jacques Lecoq, Leroy Garioud, Caroline Lesgourgues, Bernard Mallet, Laurence de Marliave, Jacques Meunier, Hélène Midol, Tsuzen Nakajima, Marianne de Nayer, Monique Olivier, Michèle Pellevillain, Marika Polasek, Jason Reittom, Jacques Thuillier et Kazumi Wakayama. L’an passé, j’avais omis, – ne les connaissant pas –, d’indiquer les prix décernés par le Salon des Beaux-Arts. Il y en a quatre. Ainsi donc, en 2017, le Prix Bracquemond pour Marianne de Nayer ; la Médaille d’or pour Jeanne Clauteaux-Rebillard et Véronique Laurent-Denieuil ; la Médaille d’argent pour Nadejda Menier ; et la Médaille de bronze pour Benjamin Parker et Hélène Midol. S’y ajoutaient les distinctions dites du « Jury invité » : la Médaille d’or pour Benjamin Parker ; la Médaille d’argent pour Rania Homsy, et la Médaille de bronze pour Jacques Meunier.

Une autre vue du Salon (Cl. Gérard Robin)

Cette année 2018, le Prix Bracquemond a été décerné à Romain Coquibus pour de belles tailles-douces de sa série dite Néovédutisme, évoquant des lieux ou éléments urbains qui inscrivent leurs empreintes dans le ciel. Ensuite, en osant jouer sur les titres d’œuvres de « couples d’artistes » récompensés : la Médaille d’or à Arthur Capmas et Michèle Pellevillain, où la pointe sèche d’un « Orang Outang », échappé du plexiglas de l’un, aurait causé des « Déchirures » dans des tissus linographiés de l’autre ; la Médaille d’argent à Bernard Mallet et Monique Olivier, où un « Enfant » hésite sans doute à se lancer « Sous la pluie à New York » ; la Médaille de bronze à Hélène Bautista, où une silhouette solitaire semble errer, sous un « Faux midi », vers une destination improbable… Quant aux distinctions du « Jury invité », la Médaille d’or fut attribuée de nouveau à Michèle Pellevillain (qui cumule aussi avec le Prix de l’ADAGP), celle d’argent à Tsuzen Nakajima pour ses « Tatami », et celle de bronze à Jason Reittom, créatrice d’une grande manière noire (60×80 cm), « Deus ex machina », impressionnant élan vers un éveil de la conscience (« Awakening of the consciousness »), dans une dramaturgie graphique somme toute à décoder…

Une des cimaises du Salon (Cl. Gérad Robin)

J’aimerais y ajouter quelques coups de cœur. Pour « Quelques rochers rêvés » ou un « Coucher de soleil à Port Coton », de Sophie Sirot, où la linogravure rayonne de lumières vibrantes. Pour « Ombres et reflets » et « Écoute du silence », d’Hélène Baumel, où la montagne répond à l’océan de sa voisine de cimaise, Hélène Midol, compositrice de gravures pleines de mouvement : « Apparition énigmatique » et « Moment de Mer ». Que l’aquatinte est belle dans ces eaux-fortes ! Pour « Hermitage » et « Sous le Vent », de Sandrine Grimaud Lebeaux, des épreuves aquarellées nées du carton-bois, évocatrices d’une atmosphère prenante. Et d’ajouter un « Cerisier pleureur », évoqué avec délicatesse par Kazumi Wakayama, pour terminer sur un beau « Coucher de soleil sur le Val de Loire », où la taille d’épargne sur bois de Jacques Meunier utilise plusieurs planches pour exprimer le ressenti du graveur poète, face aux lumières et teintes du couchant… C’est vraiment, là encore, un grand bonheur que cette promenade parisienne en gravure (et dans les autres sections), proposée par l’équipe de la SNBA et Isabelle Lawson, la directrice exécutive. Une manifestation génitrice de sérénité, surtout en cette période hivernale que nous vivons, et répondant à un grand besoin d’évasion et d’émotions vraies, ainsi que de valeurs qui élèvent l’esprit.

Gérard Robin

Rester en surface

Exposition d’estampes et peintures de Laurent Chaouat
Jusqu’au 11 janvier 2019
La Maison des arts de Bagneux (92)
15 rue Albert Petit
Tel : 01 46 56 64 36
maison-arts@mairie-bagneux.fr
Du mercredi au vendredi de 14h à 17h
Finissage le 11 janvier à 18h

La Maison des arts de Bagneux poursuit le cycle Multiples, initié il y un an, avec « Rester en surface », une exposition des gravures et peintures de Laurent Chaouat. L’exposition offre à voir son travail récent d’estampe et de peinture mais aussi permet de s’immerger au rez-de-jardin dans une reconstitution fidèle de son atelier de création.

L’exposition à l’étage (Cl. Anne Paulus)

Le visiteur est tout d’abord invité à découvrir les œuvres à l’étage de cette belle bâtisse du XIXe siècle aujourd’hui transformée en centre municipal d’art contemporain. Dans ce vaste espace sous la charpente historique, se déploie une vingtaine de grandes toiles, diptyques et estampes.
« Cet ensemble représente le travail des 4 dernières années », nous précise l’artiste en introduction. Les œuvres ne sont pas présentées par ordre chronologique mais plutôt en fonction de leur potentiel à dialoguer entre elles. À travers ce dialogue, on découvre le chemin qu’il s’est patiemment tracé, pas à pas.

Il y a tout d’abord les grandes toiles claires, laiteuses, intitulées Bruit blanc. Par un jeu de transparence si caractéristique du travail de Laurent Chaouat, elles laissent deviner sans les dévoiler des éléments fragmentés puis recomposés, des traits qui évoquent là un bras, ici des formes géométriques. La récurrence des petites séries de carrés semble illustrer le cheminement posé, mesuré, de l’artiste.
À cette période a succédé un temps où l’artiste a ressenti le besoin de se mesurer à un matériau plus dur que la toile. On découvre de grands diptyques verticaux, vis à vis, où une combinaison de panneaux de bois peints et gravés sans repentir possible est confrontée à une combinaison de toiles sur fond clair verticales.
Surprenante juxtaposition dont la radicalité ne laisse pas indifférent. Prendre le temps d’une plongée dans ces œuvres à la grammaire si personnelle apparaît alors comme une nécessité. Tout est affaire de combinatoire, d’équilibre précaire. Le rapprochement physique de ces deux types de langage si différents semble traduire l’interrogation profonde de l’artiste sur le monde qui l’entoure. Néanmoins, telle une mesure qui jalonne le chemin que l’artiste suit coûte que coûte, un point d’ancrage, le bras, tracé, gravé, peint, entaillé apparaît dans chaque pièce.

Rester en surface (Cl. Anne Paulus)

Marquant une rupture dans son travail, les estampes de Laurent Chaouat, présentées dans l’exposition, frappent par leur grande liberté. Intitulées Rester en surface, elles constituent les pièces les plus récentes de cet ensemble, une nouvelle étape en forme de retrouvailles intimes avec cet art aux possibilités infinies que Laurent Chaouat enseigne depuis de longues années. Fidèle à lui-même, l’artiste offre à voir des combinaisons plastiques et des rapprochements subtils, articulant des éléments de sa grammaire picturale personnelle à la surface du papier.

Techniquement, Laurent Chaouat semble se jouer des difficultés et dépasse la question de l’estampe pour entrer dans une logique d’exploration autour des matières. « Je veux rendre des choses très présentes et en absenter d’autres ». Seule la gravure semble lui permettre d’interroger aussi pertinemment et librement la question de la force et de la fragilité.

Une estampe de la série (Cl. Anne Paulus)

Dans le travail de Laurent Chaouat, rien n’est jamais vraiment dit. Même si les choix du peintre et graveur sont pleinement assumés, le sens de l’œuvre ne s’imposera pas au regardeur. Bien au contraire, l’artiste souhaite avant tout que la confrontation à l’œuvre provoque une émotion, quelle qu’elle soit, reliée ou non au ressenti propre de l’artiste. Le regardeur, tout comme l’artiste, est et doit rester totalement libre.

Anne Paulus

Une interview de l’artiste sur la page facebook de la Maison des arts de Bagneux : https://www.facebook.com/villedebagneux92/videos/2198144270427690/

Galerie L’Angélus

1er décembre 2018
34, Grande Rue – 77630 Barbizon

Ce samedi 1er septembre fut marqué, dans une petite commune du sud Seine & Marne, par l’ouverture – liée à un changement de lieu – d’une galerie dédiée à l’estampe.

L’extérieur de la galerie (Cl. Gérard Robin)

Nous sommes à l’orée du massif forestier bellifontain, à Barbizon. Et face à la Maison-atelier de Jean-François Millet (au n° 27), de l’autre côté de la Grande Rue, voici la galerie L’Angélus (au n° 34), une petite maison à l’architecture intérieure rénovée et joliment adaptée par ses occupants à sa fonction, y intégrant, pour agrémenter l’espace hors cimaises, des sculptures attrayantes. S’y ajoutant, en hauteur dans une grande niche, la réplique en résine d’un grand bronze « Mon Oncle », réalisé en hommage à Jacques Tati pour la ville de Saint-Maur-des-Fossés (94), et signé Mélanie Quentin…

La galerie est double : celle dans la maison de Jean-François Millet, qui s’attache à présenter les œuvres du maître, ainsi que celles d’autres artistes du XIXe siècle (huiles, aquarelles et dessins), et celle qui ouvre aujourd’hui ses portes. Dans cette dernière, hors la statuaire, c’est l’estampe qui est à l’honneur, dans une grande diversité. En sus de signatures comme Arman, Avati, Braque, Combas, Dali, De Vlaminck, Foujita, Gromaire, Laurencin, Paul, Le Pho, Picasso, Raffaëlli,… on découvre, visibles sur les cimaises de l’entrée, celles de Bernard Buffet, Niki de Saint Phalle, Zao Wou-Ki. Un beau préliminaire, avant de pénétrer sur la gauche dans un espace dédié à l’École de Barbizon et au XIXe, avec Jean-Baptiste Corot, Charles Jacque, Henri Fantin-Latour, Edouard Manet et bien sûr Millet. À droite, un escalier mène à un grand sous-sol dédié à l’estampe contemporaine, avec les graveurs : Guy Braun, François Houtin, Jean Lodge, Mégumimets, Jean-Michel Mathieux-Marie, Marjan Seyedin, Sophie Sirot, Zarko Smeljanic et Mikio Watanabé.

Le rez-de-chaussée de la galerie (Cl. Gérard Robin)

Deux nouveaux artistes avaient été accueillis pour le vernissage.
La pointe-sèchiste Jeanne Clauteaux-Rebillaud, dont le trait direct, rejetant toute incursion dans le vernis et le mordant chimique, sait exprimer, tant dans ses paysages intemporels que ses personnages improbables – une sorte de bestiaire humain, parfois animal –, des évocations toutes brossées de subtiles nuances de valeurs, qui donnent l’impression de lavis, dans des visions originales et fortes, propres à s’enrichir chacune de l’imaginaire de chaque spectateur.

L’aquafortiste Thierry Mortiaux, artiste belge, mélangeur de manières liées à l’eau-forte, mais ne dédaignant pas l’ajout de pointe, qui sait brosser un univers pictural empli d’êtres rabelaisiens, grivois à souhait pour certains, dans des postures parfois de nudité qui choquent mais ravissent à la fois. Une atmosphère que d’aucuns peuvent juger sulfureuse, mais que n’aurait sans doute pas dédaignée un Félicien Rops, et qui se découvre avec plaisir au fil d’une analyse que la curiosité appelle à renouveler…

Le sous-sol de la galerie (Cl. Gérard Robin)

Il nous faudra revenir, pour mieux apprécier les œuvres, car il y avait foule ce soir-là : personnalités locales, amateurs d’estampes, collectionneurs, artistes… Difficile donc de contenir tout ce monde. Et il fallait en ces lieux beaucoup de souplesse pour se glisser entre les invités, afin d’aller observer une estampe, tenter de rejoindre un artiste pour le saluer, ou encore prendre une flûte de bulles pour étancher la soif due aux conversations. On retiendra l’accueil, joint à la compétence professionnelle, des responsables de la galerie, Bachar et Hiam Farhat, qui furent aussi, rappelons-le, à l’origine des deux salons sis à l’espace culturel Marc Jacquet : « Impressions 2016, l’esprit de Barbizon » et « Impressions 2017, sur les pas de Rembrandt ».

La galerie « L’Angélus » jointe à la visite de la Maison-atelier J.-F. Millet forment une destination barbizonnaise à ne pas manquer, le tout pouvant, pour les amoureux de l’art et les curieux, justifier le déplacement, sinon à l’ajouter absolument à une balade printanière ou estivale en forêt de Fontainebleau.

Gérard Robin