Estampe : art ou métier ?

Il est un travers bien français : la manie réglementaire administrative d’État. Une chose n’existe que si on l’a réglementairement nommée. La chose devient alors certaine. Quant à l’innommée, elle reste dans les limbes de l’inexistence. Ce travers d’antiques origines perdure aujourd’hui. La Fête de l’estampe célèbre l’anniversaire de l’arrêt dit « de Saint-Jean-de-Luz », rendu en Conseil d’État le 26 mai 1660 grâce au mémoire introduit par Nanteuil. Cet arrêt a fait échapper1 l’estampe et ceux qui la pratiquent à l’emprise des corporations de métiers. Par cet arrêt, le Roy déclarait maintenir tous ceux qui font profession de l’art de la gravure « en la liberté qu’ils ont toujours eue de l’exercer dans le Royaume, sans qu’ils puissent être réduits en Maîtrise ni corps de métier, ni sujets à autre règle ni contrôle. » N’étant par cet arrêt ni ici ni là; ni dans les Beaux-Arts, monopole des Académies, ni dans les métiers, monopole des corporations, l’estampe pouvaient donc jouir d’un bel espace de liberté. Toutefois, l’estampe entrait ainsi dans la convoitise de ces deux puissances : les Beaux-Arts ou les métiers dont on avait ignoré les monopoles. Elles allaient alors se disputer leur souveraineté sur cette belle innommée qui avait esquivé de peu la nomenclature de l’État. Continuer la lecture de « Estampe : art ou métier ? »

Guy Jahan (1929-2024)

« Retour de pêche » aquatinte de Guy Jahan (Cl. Guy Jahan)

Il est des passions artistiques contrariées : Guy Jahan voulait être peintre. Hélas, il n’était pas bienséant qu’un des fils de la famille embrassât un destin aussi aléatoire. On toléra l’architecture où pouvait s’exercer son talent pour le dessin. Ainsi fut-il admis en 1949 dans l’atelier d’architecture de Pierre Vivien à l’École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris pour en sortir en 1961 diplômé et lauréat d’un premier prix de la Chambre syndicale du bois. Après avoir exercé la profession d’architecte1 dans sa propre agence, il devint en 1978 architecte en chef du département des Yvelines puis son conseiller technique jusqu’en 1986. Sa carrière d’architecte diplômé terminée, il s’initia à la gravure dans les ateliers artistiques de la ville de Paris sous la houlette de Claude Breton. Guy Jahan se lança alors avec passion dans l’estampe à une époque où en France elle n’avait plus bonne presse et où l’image figurative n’avait plus les faveurs de la mode, des princes et des marchés de l’art contemporain.

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L’estampe et l’Internet

Le logo du Gemini de Google

Contrairement à l’habitude, cet écho contient peu d’images quoiqu’il en traite quant au fond. Les changements technologiques ont toujours bouleversé les disciplines des beaux-arts dans leur statut social, leur pratique et leur expression plastique et ainsi chamboulé les manières de ceux qui les créent. En est-il ainsi de l’Internet et de ses outils dont on dispose maintenant dans des téléphones intelligents qui encombrent et paralysent la main (la gauche pour les droitiers, la droite pour les gauchers) de la plupart d’entre nous. « Smartphones » dans lesquels se noient les reflets numériques de nos estampes parmi les milliards d’images publiques ou privées qui flottent dans l’Internet. Ces encombrants joyaux manuels viennent d’enrichir leur boîte à outils avec l’« AI », l’intelligence artificielle, mauvaise traduction du vocable : intelligence qui s’apparenterait plus à celui dont les Britanniques usent pour nommer leur service d’espionnage et de renseignements : l’« Intelligence Service ».

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