Diptyques éphémères

« Diptyques éphémères »
La taille et le crayon
Fondation Taylor
1 rue La Bruyère
75009 Paris
9 janvier au 1er février 2020

Depuis vingt ans l’association « La taille et le crayon » met en valeur, à l’aide d’exposition d’estampes et de dessins, la richesse des rapports entre le dessin et l’estampe, expressions artistiques toujours contemporaines, œuvres de la main qui trace ou qui grave. Cette année, pour son exposition parisienne dans l’atelier de la Fondation Taylor, l’association a choisi une règle ludique pour confronter ces deux disciplines en des diptyques éphémères, le temps d’une exposition. Cette règle était simple : un graveur stampassin invite un autre artiste qui s’adonne au dessin, chacun échange avec l’autre une image, une estampe ou un dessin, et chacun répond à l’autre par une nouvelle image dans la discipline qu’il pratique plus volontiers. Le résultat pour chaque couple : deux diptyques présentés sous la lumière naturelle de l’atelier du dernier étage de la fondation Taylor à Paris.

La règle édictée n’était pas sans risque tant la confrontation entre les deux techniques, qui ont chacune leurs qualités expressives intrinsèques, pouvait nuire l’une à l’autre et dévaloriser le dessein de l’un ou l’autre des protagonistes dans ce transitoire rapprochement. Elle n’était pas sans risque non plus pour le visiteur qui pouvait oublier, à rechercher les accords, les harmonies ou les dissonances des travaux présentés, la valeur de chacun pris isolément. Il fallait donc prendre son temps, passer devant les diptyques, revenir devant certains, reculer, regarder, se laisser prendre, se raisonner ou tout simplement s’aider du catalogue, fort bien documenté et mis en page, pour pénétrer la démarche de tous les tandems assemblés ici et s’y laisser séduire.

Les diptyques de Jeanne Rebillaud et Sandra Redinger
(Cl. Claude Bureau)

Après une longue visite, voici seulement glanés quelques diptyques qui n’ôtent rien à tous les autres. Le commissaire, Éric Fourmestraux, qui s’est plié à sa propre contrainte, et son alter-ego, Isabelle Mehling-Sinclair, ont su graphiquement se fondre dans un propos sibyllin qui, s’il crève les yeux, n’en reste pas pour le moins très énigmatique ou tristement tragique. Raúl Villullas et Ivan Sigg ont si bien emprunté l’un à l’autre leurs rudes noirs soulignés d’un geste multicolore que l’on ne sait plus qui est l’un ou l’autre. Jeanne Rebillaud et Sandra Redinger ont magistralement mis leur virtuosité technique au service d’un hommage réciproque où ne se laissent plus deviner ni le dessiné ni le gravé. En minuscules et en majuscules, les signes graphiques de Catho Hensmans et Christine Gendre-Bergère dialoguent en contrepoint sur le mal-être contemporain. D’autres surgissent devant les yeux malgré leur appariement : les pierres noires de Sophie Baduel, une tête d’Anne Loubry, les épidermes de Thomas Bouquet, les striures de Gloria Alonso ou le pain d’épices de Didier Hamey.

La mezzanine de l’atelier (Cl. Claude Bureau)

Une exposition qu’il ne faut pas manquer et où il faut prendre le temps d’une méditative déambulation.

Claude Bureau

Estampe et stampassin

Un lecteur a reproché à la rédaction de « Vu et lu… pour vous » d’avoir publié, le 19 novembre 2019, un écho titré « Nouveau vocable ». sous la catégorie « Entendu… pour vous » et qui rapportait la proposition du vocable stampassin, émise par Maxime Préaud.  Comme l’indique l’avertissement au lecteur, publié en bas de page, : « Ce blog “Vu et lu… pour vous”, édité par Manifestampe – Fédération nationale de l’estampe, n’est pas responsable des textes, illustrations, dessins ou photocopies qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. » Cependant, s’agissant ici d’une bien innocente innovation de vocabulaire, la rédaction apporte à ses fidèles lecteurs quelques précisions ci-après.

Deux spadassins illustres gravés par un célèbre stampassin :
Jacques Callot (Cl. Gallica 2012)

La langue française emprunte souvent aux idiomes voisins ou exotiques des mots nouveaux pour enrichir son vocabulaire. On pourra lire avec profit, à ce sujet, l’excellent ouvrage « Les mots voyageurs » de Marie Treps paru aux éditions du Seuil en 2003.

Comme le consigne le « Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française » de Paul Robert, édité en 1969, tome 2, page 647, dans son sens II, estampe signifie : « (repris de l’italien stampa au XVI° siècle) : image imprimée au moyen d’une planche de bois ou de cuivre (eau-forte, taille-douce…) ou par lithographie. »

On peut ajouter à cette définition, datant d’un demi-siècle, bien d’autres procédés : sérigraphie, linogravure, pochoir, héliogravure, cartongraphie, collagraphie, carborundum, offset, kitchen-litho, procédés numériques, procédés combinés des précédents, etc. Bref, tous ceux que l’imagination humaine est capable d’inventer. On remarquera qu’à la fin du XIX° siècle, à l’encontre des procédés industriels photo-mécaniques, est né le concept : « estampe originale », c’est à dire une estampe dont la matrice est fabriquée à la main par des procédés traditionnels (jusqu’à la lithographie) sur un sujet imaginé par le graveur, le plus souvent artiste-peintre, par ailleurs. Aujourd’hui, estampe désigne une image imprimée quel que soit le procédé employé pour l’obtenir à l’exception de la photographie qui se revendique comme telle.

Par abus de langage, a été conservé, pour désigner celui ou celle qui crée et fabrique une estampe, le mot graveur alors que bien des estampes d’aujourd’hui ne sont pas gravées à proprement parler. Les Anglo-Saxons, plus pragmatiques que les francophones, utilisent : « printmaker », littéralement : « faiseur d’imprimés ».

Comme la « spada » italienne (épée) a permis en français le mot spadassin, il a donc été lancé par Maxime Préaud, avec la même généalogie italienne issue de « stampa » (estampe), le vocable : stampassin (faiseur d’estampes) et tous ses dérivés grammaticaux.

Il s’agit là seulement d’un mot de plus dans le vocabulaire de l’estampe. Il fera son chemin ou pas et, sanctionné par l’usage, il pourra alors désigner tous ceux qui créent et fabriquent des estampes.

La rédaction