Paris en mars

Couverture du catalogue (Cl. Claude Bureau)

« Maxime Préaud – Estampes et peintures »
Galerie Gallix
5 rue Pierre Sémard 75009 Paris
du 10 au 26 mars 2023

Dans cette exposition personnelle d’aquarelles, de gouaches, de pastels, d’huiles et d’estampes, Maxime Préaud, par ailleurs connu comme savant passionné de la chose stampassine, montrait tout l’attachement qu’il voue à Paris et à ses paysages malgré les vicissitudes, les soubresauts et les transformations que la ville a subis au cours de ces cinquante dernières années. Avec un brin d’ironie sans doute moins involontaire qu’il ne paraît, l’affiche de l’exposition reproduisait une linogravure en couleurs à planche perdue réalisée en octobre 2022 et intitulée : « Souvenirs of Paris ». Elle était à cet égard prémonitoire de l’encombrement des trottoirs de la capitale par les containers verts d’ordures ménagères, les amoncellements de sacs poubelles en plastique noir plus ou moins éventrés et aux détritus divers en ce mois de mars 2023. En ce début de printemps les souvenirs de Paris s’effaçaient vraiment derrière des rangs serrés de poubelles vertes !

Quoi qu’il en soit, le titre de l’exposition ne mentait pas sur son contenu, celui de vues de Paris insolites, humoristiques ou pittoresques que leur auteur a su capter d’un trait sûr et avec un art de la composition qui se révèlent tant dans ses eaux-fortes que dans ses linogravures souvent en couleurs et à planche perdue. En effet le dessin demeure la fondation solide sur laquelle se construisent ses images. Que le dessin soit le moyen de la figuration cela va de soi mais il est aussi et surtout une école du regard par la main qui trace et, en revanche, une sûreté de cette main par le regard qui s’affûte ainsi. Il faut avoir eu l’occasion d’admirer la collection de ses dessins : croquetons, esquisses, dessins préparatoires de toutes tailles sur toutes sortes de papiers divers et variés, au crayon, à la plume ou au stylo bille, pour comprendre comment il élabore ses images et leur rendu et comment se concrétise son imaginaire. Du dessin toujours et à tous propos.

Son humour, quelquefois discret ou d’évidence, affleure et transparaît dans ses estampes comme, par exemple, dans une eau-forte « À l’ancre de marine » où devant un estaminet du Quai de Javel croisent trois ailerons dorsaux de requins – sans doute ceux qui raseront le troquet dans la folie immobilière des années soixante-dix – ou bien dans une autre eau-forte avec une vue sur la Tour Eiffel devant laquelle sèche une paire de chaussettes. Comme en musique, il aime aussi les variations plastiques. Des changements dans l’impression de mêmes matrices gravées préservent de l’ennui que peut faire naître leur multiplication à l’identique. Ils donnent des tonalités nouvelles et inattendues aux images qu’ils engendrent. Ces variations étaient nombreuses dans cette exposition. Elles illustrent la richesse expressive que peut apporter une grande maîtrise dans les techniques d’impression de l’estampe comme, par exemple, dans deux vues du Pont des arts.

« Vue du Vert-Galant et de l’île de la Cité depuis le pont du Carrousel »
(Cl. Claude Bureau)

Cette première série est constituée par une linogravure à planche perdue de petit format (95 x 135 mm) imprimée sur bristol en diverses couleurs, vue du Pont du Carrousel avec au premier plan la Seine, au second le Pont des arts, derrière le Vert-Galant et le Pont-neuf, plus loin la flèche de la Sainte-Chapelle, estampe dont dit le catalogue : « Il y a des épreuves de toutes sortes, toujours imprimées sur bristol, mais avec plus ou moins de passages. De toute manière tirage réduit pour les exemplaires complets. » Outre ces bristols quelques tirages ont été agrémentés de grandes marges symphoniques gravées aussi sur linoléum.

« Vue de la Cité derrière la passerelle des Arts » (Cl. Claude Bureau)

L’autre série, de plus grand format (295 x 422 mm) a été tirée à vingt-trois exemplaires : neuf sur papier blanc, neuf avec des rehauts d’aquarelle sur papier blanc et souple et cinq sur papier calque, poursuit la perspective de l’île de la Cité de la première en y ajoutant en arrière-plan les deux tours de Notre-Dame. Si l’ennui naquit un jour de l’uniformité, dans cet exercice périlleux que constitue le sujet rebattu des vues de Paris, Maxime Préaud par son humour et ses variations plastiques a su offrir au visiteur des souvenirs de Paris surprenants malgré l’encombrement des trottoirs parisiens exemptés cette année de leurs giboulées de mars.

Un catalogue illustré et très documenté, au format 21 x 29,7 cm sous couverture cartonnée et assemblé par deux piqûres à cheval, préfacé par Laurence Paton, édité par Gallix et au prix de 10 € accompagnait l’exposition.

Claude Bureau

Forêts

Une vue de l’exposition (Cl. Claude Bureau)

du 14 au 25 mars 2023
Mairie du VIIIe arrondissement
56 boulevard Malesherbes 75008 Paris

Les édifices haussmanniens qui abritent les mairies d’arrondissement parisiennes comportent dans leurs décors pompiers de belles salles d’exposition. Celle de la mairie du huitième, située derrière le chevet de l’église Saint-Augustin, est l’une d’entre elles et, contrairement à son vestibule par lequel on accède, présente une décoration sobre, claire et discrète avec un éclairage approprié pour mettre en valeur les œuvres exposées. Dans cet endroit, le Conseil national français des arts plastiques –– qu’il ne faut pas confondre avec le Conseil national des arts plastiques, organisme d’État de la République française qui dépend du Ministère de la Culture –– à l’occasion de la Journée internationale de la forêt 2023 organisée par les Nations Unies (ONU), a proposé sur ce thème cette exposition pluridisciplinaire de peintures, dessins, estampes, sculptures, photographies et installations.

Bien entendu, les travaux proposés devaient évoquer ce thème : « Forêts », choisi par les organisateurs. Pour les visiteurs, le titre d’une exposition induit toujours une attente que le parcours de la visite ne parvient pas pleinement à satisfaire. Souvent, le fil qui relie les œuvres au thème est très ténu. Cette exposition hétérogène ne déroge pas à ce constat. Pourtant certains de ces travaux répondaient à mon avis au programme qu’induisaient les diverses significations du mot forêt. Comme, par exemple, « Fragments de forêt » de Rosa Burdeos qui avait superposé quatre estampes découpées et marouflées : en fond une tampographie en camaïeu de verts d’un arbre gravé sur linoléum, ensuite des feuilles et des fleurs, puis des éléments architectoniques suggérant une invasion urbaine dans ce végétal. Ou bien une autre tampographie en kakemono de Lurdi Blauth « Carence (carência) » avec de grosses graines bistres gravées sur linoleum elles aussi qui évoquaient soit l’avare accumulation d’un grenier spéculatif soit les germes d’une potentielle nouvelle forêt.

À droite « Carence (carência) » de Lurdi Blauth (Cl. Claude Bureau)

Plus énigmatique était le quadriptyque d’Éric Fourmestraux intitulé « Forêt noire », composé d’une estampe aux caractères typographiques embossés où l’on pouvait lire : « Stop shaving every-thing » et de trois très subtils dessins au crayon graphite. Sur le premier une main paume ouverte avec son avant-bras, sur le second le bras et l’aisselle qui le supporte et sur le troisième une forêt de minuscules signes. Il fallait alors lire le cartel qui les accompagnait pour saisir toute la charge érotique du slogan ainsi imprimé et des images qui l’entouraient. L’art contemporain use parfois de détours textuels où se perd l’émotion que sait faire naître un simple regard.

Claude Bureau

36.6

«Je n’ai rien sur moi», gravure (Cl. Véronique Durieux)

Véronique Durieux
«Multiples, uniques et sculptures»
Villa des arts, 15 rue Hégésippe Moreau, 75018 Paris
tous les jours de 16h à 19h.

Outre des lieux d’exposition, divers et variés, dont celui qui est présenté ci-dessus, Véronique Durieux (1958, Paris) est coutumière des manifestations temporaires réalisées dans sa ~ galerie du 36.6 ~ un lieu sis 36, boulevard d’Ornano dans le XVIIIe arrondissement. Depuis plusieurs années, Véronique Durieux a installé un espace d’exposition de quelque 80 m², un lieu qui est en même temps un de ses ateliers. Elle y organise une à deux fois par an, selon les urgences – celles dont elle décide qu’elles seront urgentes – des événements permettant de voir ses œuvres et parfois les œuvres d’artistes qu’elle invite.

Au centre de ses problématiques, une narration autobiographique, autant éprouvée par le texte que transcendée par l’image. La lithographie semble la technique la plus à même de répondre à cette demande.  L’utilisation du crayon est une sorte de prolongement presque spontané du dessin. Un dessin signifiant et utilitariste, qui devrait permettre de résoudre les différents dangers qui sont contenus sur les lithographies réalisées sur papier ou sur coton, de même, que les uniques, ou les tissus repris, enrichis d’autres textiles, concordant tous vers une thérapie digne de Sisyphe.

Les œuvres sont également une interrogation constante. Qui suis-je ? Où suis-je ? Où vais-je ? Lorsque la pression est trop forte, le tango s’avère une autre approche, efficace, volatile et pulsionnelle à celle de l’art. Véronique Durieux a édité récemment différents documents dont un livre d’artiste qui sera présenté en ce même lieu. Un dernier point, et non des moindres, n’entre pas qui veut ni n’importe quand dans cet espace ! Il faut, non pas montrer patte blanche, mais forcément contacter l’artiste qui se fait un plaisir d’inviter les curieux élus.

Christophe Comentale