Américo Caamaño Quijada

Américo Caamaño Quijada, tirage d’impression lors de l’exposition «Volcans – Le feu du monde» à Bordeaux (Cl. Cécile Bouscayrol)

« La conscience gravée au cœur de la Vie »
Installer les œuvres dans l’hôtel de Ragueneau, bâtiment exceptionnel construit au XVIIe siècle au centre de Bordeaux, a donné une ampleur inhabituelle à l’exposition Volcans, le feu du monde à laquelle ont participé une soixantaine d’artistes liés à l’Amérique Latine.

La vastitude de l’espace a facilité la réalisation de temps forts dédiés à la photographie (initiation au cyanotype avec Natalia Zuluaga) et à la gravure. Deux ateliers de xylographie l’un sur bois l’autre sur lino ont été dirigés gracieusement par le maître graveur Américo Caamaño Quijada qui voyage pour la première fois hors du Chili. Une rencontre ou charla en soirée a permis d’évoquer le rôle des maîtres qui l’ont formé : Jaime Fica, Eduardo Meissner, Iván Contreras et Albino Etcheverría.

Il a également fait part de son expérience de la gravure sociale. En effet, arrêté et incarcéré dans une prison politique, torturé, officiellement reconnu personne victime de la dictature militaire (1973-1989), la gravure a été pour lui un moyen de préserver à la fois sa Liberté d’expression (tirage d’affiches) et de retrouver sa Liberté d’être humain.

Fort de quarante ans de pratique, Américo Caamaño Quijada perpétue les techniques de l’estampe – en particulier la xylogravure en tirages limités (quatre ou cinq) puisque « à matrice perdue » et la linogravure – au sein de son Atelier Pacifique à Tomé dans la région du Bio-Bío, au Chili. La Galaxie de Tomé – ville située près de Concepción – est porteuse de cette « Fraternité héritée des prédécesseurs : Raphaël Ampuero, Alejandro Reyes, Alfonso Mora, Benjamín Silva, etc. », dit-il.

L’iconographie de sa récente série intitulée Danger dans la baie exposée jusqu’au 28 mars 2024 en milieu rural sur les bords de la Dordogne, d’abord à Port-Sainte-Foy puis à Vélines, témoigne de sa prise de position en faveur de la préservation des côtes océaniques. Son plaidoyer quasi nostalgique a une envergure universelle, le public aime, regarde, écoute et dialogue.

Américo Caamaño Quijada entraîné à manipuler une presse professionnelle travaille avec minutie et précision, il en résulte une impression qui exergue la force de l’encre noire déposée sur le papier blanc humide. Rares sont ses gravures en couleur, celles qui le sont – au bleu profond et vert de jade – renvoient ce même effet de puissance.

Xylogravure à matrice perdue 2020 « Oiseaux vigilants » 1/5
(Cl. Cécile Bouscayrol)

Chaque gravure est rythmée par une variété impressionnante de tracés simulant à la fois l’ambiance et l’atmosphère. La sensation immédiate de l’existence des matières minérales et végétales capte l’attention, les oiseaux vigilants perchés sur les rochers observent.

Xylogravure à matrice perdue 2020 « Danger à Coliumo » 1/3
et « Filet abandonné » 1/2 (Cl. Cécile Bouscayrol)

Tandis que les multinationales accaparent les richesses de ce monde, la barque  vide sur la grève reste figée sous un soleil de plomb. Au loin, la petite péninsule qui ferme à l’ouest la baie de Coliumo – incroyablement belle en réalité – se détache ondulante et noire tel un sombre présage.

 Cécile Bouscayrol