Le Tampographe Sardon

Compte Instagram du Tampographe (Cl. C. Gillet)

Belle surprise matinale ce matin du vendredi 23 décembre dernier que d’entendre une longue interview de l’artiste Vincent Sardon, dit le Tampographe, sur France-Culture, dans l’émission « Le cours de l’histoire ». Dans l’opus du vendredi, « Fou d’histoire », Xavier Mauduit reçoit un invité pour « donner la parole à ceux et à celles qui ne sont pas historiens, pas historiennes, mais qui se baladent dans le passé pour construire leurs œuvres et leur univers. »

Ainsi ce matin-là, pour évoquer l’histoire du tampon encreur, Vincent Sardon est-il convié à présenter sa démarche et son parcours. Artiste iconoclaste connu notamment pour ses tampons gravés et coffrets d’insultes savoureusement tamponnées (comme entre autres le coffret « Injures Trostkistes », ou bien son « Nécessaire de gribouillage »).

Site de l’interview sur Radio France (Cl. C. Gillet)

Croisé il y a une dizaine d’années à son exposition personnelle de tampons et tableaux de tampons à la galerie Nabokov qui existait alors place Dauphine à Paris, j’avais été saisie par la force graphique, l’humour noir, le cynisme aussi de cet œuvre présenté avec raffinement.

Aujourd’hui seul maître à bord de son aventure nihiliste, Sardon édite ses tampons, coffrets et affiches et les propose au public en ligne via son site Internet ou bien à Paris, le samedi, dans sa boutique-galerie parisienne de la rue du Repos, près du cimetière du Père-Lachaise.

Il explique dans cette interview d’une heure, émaillée d’extraits sonores de films et actualités du XXe siècle, qu’après ses études d’art plastique, en digne jeune artiste fauché, il a commencé à graver sur des gommes et sur des légumes pour ensuite imprimer ses réalisations sur du papier. Finalement il opte pour le tampon de caoutchouc, qui « officialise le propos », désireux de s’affranchir d’une certaine bien-pensance du monde artistique.

Amateur de typographie, de détournement d’anciennes frises décoratives, de tampons administratifs, Sardon développe une approche à la fois jouissive et désespérée. Il n’est qu’à lire les textes accompagnant les photos de son compte Instagram, véritable journal intime où le Tampographe narre son quotidien dans la solitude d’un plateau bourguignon qui semble sans cesse battu des vents et boueux à souhait, loin des villes.

Allez, tout n’est pas foutu…

Catherine Gillet

Lien vers l’interview : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/le-tampographe-sardon-fou-d-histoire-3428399
Lien compte Instagram : https://www.instagram.com/le.tampographe.sardon/

Gravée, imprimée, vendue ?

« Fédération générale des Français au Champ de Mars »
estampe de 1790 dessinée par C. Monet et gravée par I.-S. Helman,
fonds Gallica (Cl. BnF)

La lecture du catalogue raisonné de l’œuvre gravé1 d’André Bongibault est instructive sur l’évolution de la pratique de l’estampe en France pendant ces soixante dernières années. En effet, l’estampe fédère2 dans son élaboration plusieurs fonctions et métiers qui concourent à sa création et ensuite à sa diffusion : originellement l’artiste qui conçoit l’image dont l’estampe sera porteuse et qui la transpose ou la grave sur la matrice adéquate. Ensuite, un éditeur qui prend en charge le tirage ; un imprimeur taille-doucier, lithographe ou sérigraphe, etc. ; et, enfin un diffuseur qui en commercialise le tirage. Mais aussi tous les autres métiers connexes comme les fabricants de papiers, d’encres, de presses, d’outils et des matières utilisées comme matrices. Que toutes ces fonctions indispensables soient assumées par la même personne ou qu’elles soient remplies par des professionnels spécialisés, des associations ou des institutions, ne change en rien le fait qu’elles doivent toutes être accomplies pour que l’estampe parvienne aux regards des amateurs.

« Petite cristallisation » d’André Bongibault (Cl. André Bongibault)

Grâce aux légendes très bien documentées des reproductions de ce catalogue, on peut suivre par qui ces fonctions ont été accomplies au cours de ces années. De 1961 à 1975, période de formation et de mûrissement artistique, André Bongibault, comme tous les débutants stampassins, s’auto-édite et imprime lui-même ses estampes en de petites quantités d’exemplaires. De 1975 à 1995 enfin reconnu, il bénéficie du soutien de plusieurs éditeurs qui font appel pour imprimer ses matrices à des taille-douciers qui les tirent à plus d’une centaine d’exemplaires chacune. De 1990 à 2000, tout en continuant d’être édité de la même façon, il reprend la pratique de l’auto-édition de quelques-unes de ses estampes imprimées par ses taille-douciers à plus d’une centaine d’exemplaires. Depuis 2000, cette pratique de l’auto-édition devient majoritaire ainsi que celle de l’impression par lui-même en des tirages qui diminuent. Il ajoute aussi l’impression de variantes de la même matrice qu’il tire en petits nombres d’exemplaires.

Sans céder aux excès de la généralisation, cette évolution des pratiques se constate partout aujourd’hui. Elle tient sans doute à la raréfaction des éditeurs d’estampes, des imprimeurs et des galeristes spécialisés. Certainement aussi à la faiblesse en France du nombre d’amateurs d’estampes et par conséquent d’acheteurs. André Bongibault malgré sa notoriété rejoint ainsi la plupart des stampassins contemporains usant de l’estampe d’une manière permanente ou temporaire qui s’auto-éditent, qui impriment eux-mêmes leurs estampes et qui les tirent avec parcimonie faute d’acheteurs. Comme il le soulignait en 2002 : « La gravure marchait très bien il y a dix ou quinze ans, plus maintenant. On fait ce métier parce qu’on l’aime. Pas pour gagner de l’argent. » (page 111 de son catalogue).

« Prana » d’André Bongibault (Cl. André Bongibault)

Au quart du vingt-et-unième siècle, il demeure donc plus que jamais nécessaire de promouvoir auprès du grand public, des institutions et des grands moyens d’information l’art de l’estampe. Et, malgré l’évolution dont témoigne ce catalogue, de continuer à mettre en évidence ses caractéristiques fédératives en rassemblant artistes stampassins, éditeurs, imprimeurs, galeristes et fabricants de matériels pour rendre évident et manifeste cet art toujours vivant et contemporain.

Claude Bureau

1« André Bongibault – gravures » de Michel Wiedemann, catalogue raisonné, format 240 x 220 cm, 134 pages, 92 reproductions de gravures. L’estampe de Chaville éditeur-distributeur, 2022, ISBN : 978-2-9583413-0-5 . Prix : 40 €, frais de port : 8 €, à commander à l’éditeur :L’estampe de Chaville 1 rue du Gros Chêne 92370 ou estampedechaville@free.fr

2C’est en tenant compte de ce constat que Manifestampe – Fédération nationale de l’estampe a été fondée en fédérant tous les acteurs qui concourent à l’art de l’estampe.

Encore Folon

Il y a peu, dans ces colonnes, Gérard Robin rappelait qu’à Larchant avait été rendu un hommage à Jean-Michel Folon. Permettez-moi d’ajouter qu’un autre hommage au même artiste, à propos de ses activités publicitaires, fait l’objet d’une part importante du dernier numéro (n° 52, automne 2022) de Mémoire d’images. Mémoire d’images est l’émanation très élégante de l’association du même nom dont la rédactrice en chef est Pascale Rousseau (voir le site : memoiredimages.net). C’est une association qui s’intéresse essentiellement aux dessinateurs travaillant pour la presse dans un passé relativement ancien.

Elle est proche en cela de Papiers Nickelés (« la revue de l’image populaire »), dont le rédacteur en chef est Yves Frémion. Entre les deux, il y a émulation, pas concurrence. Vous ne connaissez pas Papiers Nickelés ? Vous avez tort. Si vous vous intéressez vraiment à l’image imprimée, faites comme moi, abonnez-vous (Voir le site : papiersnickeles.fr ).

Maxime Préaud