« Sculpteurs d’images »
21 Mai – 14 Juillet 2019
Abbaye d’Art de Trizay
6, allée de Chizé
Esplanade de l’Abbaye
17250 Trizay
Sous la houlette de Véronique Bergonzoni, directrice adjointe du Pays de Saintonge romane et directrice de l’“Abbaye d’Art de Trizay”, ce lieu, dédié à l’art contemporain, accueille une belle exposition de gravures, rencontre de “sculpteurs d’images”. C’est là un cadre superbe, ruines d’un ancien prieuré datant principalement des XIIe et XVe siècles, – le Prieuré bénédictin Saint-Jean-l’Évangéliste, en dépendance de l’abbaye de la Chaise-Dieu, en Auvergne. Malgré les mutilations et destructions infligées au cours du temps, jusqu’à une transformation en ferme, les vestiges, érigés dans un cadre champêtre qui les met en valeur, forment déjà un bel écrin pour les sculptures modernes qui occupent l’espace extérieur, les vitraux contemporains de l’église et des chapelles latérales de Richard Texier et du père Kim En Joong et, bien sûr, dans le corps principal du bâtiment restauré, l’accueil d‘expositions temporaires.
L’estampe, ancrage dans la vie
Une vue des cimaises (Cl. Maïté Robin)
Huit artistes sont ici présents qui, par leur diversité d’expressions, illustrent les diverses possibilités graphiques de l’estampe. On y trouve les signatures de Jean-Claude Daroux et ses burins sur cuivre ou zinc qui s’interrogent sur la nature humaine ; Benoît Hapiot, qui propose des pointes sèches et pointes chaudes du plexi et de la gravure sur astralon et collagraphie, travaillant « sur la notion de passage, celui du temps, d’un chemin à prendre, d’une vie et de petites morts avant la grande » ; Olaf Idalie et des burins filiformes qui évoquent des personnages mythologiques en forme de “chimères“, fruits d’un imaginaire fécond et porteur d’interrogations pour le spectateur, pour lesquels un espace moins linéaire eut été peut-être plus approprié, agrémenté alors, de petites clés textuelles facilitant la lecture ; Xavier Jallais, où l’eau-forte sur zinc, rehaussée d’aquatinte au pistolet, est écriture de fictions où s’opposent à la forme humaine des géométries polyèdre diverses ; Michèle Joffrion, où la mezzotinte génératrice de lumière révélatrice, fait surgir, entre autres évocations, une “Clarté nordique” éclairée d’un “Soleil Noir” qui miroite sur un singulier “Murmure d’écume” , des visions où, écrit-elle, « Dans les dégradés subtils frémissent les éléments, l’air, l’eau, les vibrations de l’âme et ses incertitudes » ; Cédric Neau, dont la « démarche s’inscrit dans des questionnements liés à l’environnement, la pollution, la condition humaine », avec des représentations en taille-douce à l’outil ou encore taille d’épargne empreintes de gravité ou d’humour, mais aussi ouvertes sur des perspectives irréelles, voire oniriques ; Matthieu Perramant, où des pointes sèches aquatintées proposent des “aquarelles” de la banquise groenlandaise entrevue lors d’un voyage, ou encore, avec le renfort de l’eau-forte, des visions curieusement en décalage, où domine le noir, et « témoignages des personnes ayant traversé des lieux désormais vides mais gardant la trace et le souvenir de leurs passages. » Enfin Rem, qui s’inspire ici du marais, transfigurant au burin et/ou eau-forte des “petits riens” dont il sait saisir la beauté discrète ou fugitive, la mettant en scène, comme ces nasses devenues inutiles, mais auxquelles il donne des messages poétiques comme “Au-delà du temps”, “Nasse jonchée d’étoiles”, ou “Cueilleur d’ondes”… On le voit, il y a de la densité de pensée, dans ces évocations gravées, qui vont bien au delà, parfois de la seule qualité esthétique, et qui compense les faiblesses éventuelles.
L’estampe et les manières de flâner au-delà de l’impression graphique
Démonstration d’impression (Cl. Gérard Robin)
Une presse taille-douce, proposée par le couple Joffrion, ajoutait les clartés techniques d’une bonne impression, et permettait de bien comprendre la démarche créative de l’artiste estampier dans ses diverses “manières”. J’ai pu assister, le dimanche 30 juin, à l’intérêt manifesté par les divers visiteurs devant les démonstrations et explications particulièrement vivantes et argumentées des praticiens. Et ce n’était pas la protection thermique des hauts murs de l’abbaye qui retenait les gens en protection de la canicule, mais le plaisir de la découverte d’un art riche, exigeant et de haute tenue. Mais aussi porteur d’occasions de rencontres, souvent amicales, toujours chaleureuses…
Graines d’estampe en semaille
Exposition des estampes d’élèves (Cl. Maïté Robin)
L’action était, bien sûr, ouverte aux scolaires. Ceux de l’école élémentaire du bourg voisin, Romegoux, et des classes de CP, CE1 et CE2. Cela avait commencé, le 4 juin, par la visite de l’exposition, en préliminaire d’ateliers menés par deux des exposants, Benoit Hapiot et Cédric Neau, ce dernier professeur en dessin et gravure à l’École d’Arts plastiques de Niort. Exposées en cimaises ce dimanche, on put découvrir les techniques utilisées : collagraphie d’une part où le rouge et le noir s’affrontent sur le blanc du papier, et gravure sur “Tetra Brick” d’autre part, proposant des images animées de personnages fantastiques… Un ensemble intéressant, porteur de promesses. Au total, près de 45 jeunes participèrent dans le cadre d’un P.E.A.C. (“Parcours d’Éducation Artistique et Culturelle”, proposé par la Communauté de communes Cœur de Saintonge). Une réussite donc ! Ces apprentis estampiers étaient attendus de 15h à 17h, autour de la presse taille-douce, accompagnés bien sûr de leurs parents, invités à la découverte des travaux de leurs enfants et, plus est, à celle de la grande estampe. On me confirmera que seulement trois enfants vinrent, accompagnés… D’où un point d’interrogation qui interroge particulièrement : « que sont les parents devenus ? » Il est vrai que ce fut un constat identique à l’issu de notre salon, “Les Chants du Signe”, rapporté précédemment dans les colonnes “Vu & Lu… pour vous”.
Gérard Robin