Antonio Seguí

Donation à la BnF
14 mai – 25 août 2019
Galerie des donateurs
Bibliothèque F. Mitterrand
rue Émile Durkheim
75013 Paris

Il fallait bien une fin d’après-midi ensoleillée et printanière pour l’inauguration de l’exposition très colorée d’Antonio Seguí en ce 13 mai 2019. La grande salle  intitulée « Galerie des donateurs » était comble : personnalités et public étaient au rendez-vous.

Après cinquante ans de séjour en France, cet artiste argentin a fait don à la BnF de plus de 500 de ses œuvres : estampes, portfolios et ouvrages illustrés. Parmi cette vaste collection, la commissaire de l’exposition, Céline Chicha, en a choisi plusieurs caractéristiques du parcours de l’artiste qui se revendique non seulement graveur mais aussi dessinateur et peintre. C’est dire-là la variété du travail exposé et surtout de la difficulté des choix de la commissaire qui a réussi à montrer la diversité des techniques utilisées par l’artiste : eau-forte, lithographie, sérigraphie, linogravure et carborundum et celle d’une expression graphique foisonnante ainsi qu’un bel assortiment de livres illustrés aux formats éclectiques et parfois minuscules.

« Señor Santado », carborundum (Cl. BnF)

Plusieurs manières ou périodes se distinguent sur les cimaises. Celle des années soixante avec des estampes très dessinées et composées, luxuriantes de détails à celle des années contemporaines avec des estampes plus dépouillées, à gros trait noir, où la ligne claire du pinceau de carborundum campe un personnage sur la feuille blanche. Les années quatre-vingt-dix sont celle de linogravures bicolores de grand format, emblématiques,  où transparaissent les tailles directes de la gouge. Elles donnent une vibration incessante aux déambulations urbaines et incongrues du personnage moustachu et en complet veston, que l’on retrouve dans nombre de ses travaux : l’homme au chapeau.

« Señor y perro », linogravure (Cl. BnF)

D’autres périodes où domine soit la taille douce, soit la lithographie, soit la sérigraphie, font plus appel aux couleurs qui accompagnent un dessin vif et constamment présent. Il s’agit-là d’un bel ensemble qu’il faut pouvoir mieux apprécier, tant sur les murs que dans les vitrines, pendant le calme d’une visite silencieuse dont l’entrée reste libre jusqu’au 25 août 2019.

Claude Bureau

Manifestation double à Paris.

« Graveurs de Gascogne »
« Prix Gravix »
mai-juin 2019
Fondation Taylor
1 rue La Bruyère
79009 Paris

Un autre art de manifester s’est en fait concrétisé à la Fondation Taylor le lendemain de la Fête du travail, celui-là d’une manière exemplaire, car porteuse d’une véritable communion de pensée. Cela devant une gravure majoritairement dans la plénitude de son excellence, mais que l’on a peine à voir, tout au moins avec l’acuité et la sérénité nécessaires, en raison de l’affluence. On aurait tord de s’en plaindre. La foule est là, avec nombre de personnalités connues et amies, artistes ou amateurs d’art, et chaque pas est l’opportunité d’un échange, évoquant remarques ou projets. C’est chaleureux, au risque de faire presque oublier les œuvres en cimaises… Bien sûr, elles sont là qui interpellent, finissent par attirer le regard, et sont finalement génératrices du besoin de revenir plus tard, lorsque l’affluence sera moindre, le calme revenu, pour redécouvrir les artistes en cimaises et goûter plus à leur travail… Que de beauté ! Comme il en est chaque fois à la Fondation Taylor, mais peut-être plus aujourd’hui, où tout l’espace de l’immeuble est dédié à l’estampe : le rez-de chaussée et sous-sol avec Pointe et Burin comme maître d’œuvre, sous la présidence de Jean-Michel Mathieux-Marie ; l’atelier et sa mezzanine sous la houlette de Gravix et de Christine Moissinac sa présidente, qui gère un fonds de dotation pour la reconnaissance des artistes et qui ce soir, dévoilera le nom des nominés et du lauréat ou de la lauréate.

« Graveurs de Gascogne »

Le carton d’invitation (Cl. Gérard Robin)

En bas, donc, ce titre qui interpelle, avec la redécouverte des œuvres de grandes signatures bordelaises disparues de la gravure : pour un hommage, l’aquafortiste Rodolphe Bresdin [1822-1885], un maître de l’imaginaire, que l’on sent attiré par des artistes comme Rembrandt ou Dürer, et qui s’impose avec force dans de magnifiques évocations à la forte intensité graphique ; Odilon Redon [1840-1916], élève de Bresdin, adepte de l’eau-forte et surtout de la lithographie, dans une variante dite « à la manière noire », qui ne se lasse pas d’explorer la part sombre et ésotérique de l’âme humaine ; et enfin, pour un honneur, le regretté Philippe Mohlitz [1941-2019], élève de Jean Delpech et buriniste d’un imaginaire où se mêlent fantastique et étrange, dans des visions souvent inquiétantes où sourd la violence, au risque de se perdre pour le regard du spectateur qui cherche à aller plus avant, au-delà d’une certaine dérision sous-jacente. Des personnalités qu’évoquèrent en ouverture Jean Michel Mathieux-Marie, Maxime Préaud et Georges Rubel.

L’autre salle du rez-de-chaussée (Cl. Gérard Robin)

Et cela sans oublier les autres gascons invités, comme Jean-Pierre David et Gérard Trignac, – auteurs de la souscription 2019 -, Michel Estèbe, Blandine Galtier, Olaf Idalie, Charlotte Massip, Jacques Muron. Une exposition enrichie par la présence en cimaises de 23 invités qui ne déméritent pas, eux aussi, et qui alimentent de leur diversité et de leur talent le plaisir du regard. Il faudrait tous les citer, mais la place manque ici…

Quatre prix : « Antalis », attribué au roumain Marius Martinescu et ses visions chargées d’un humanisme, pulsation de l’humain en relation avec la nature, mais ouvertes à l’interprétation de chacun ; « Matthieu Coulanges », pour les images fusionnelles de Louise Gros ; « Charbonnel » et « L’Éclat de verre » n’ayant pas été attribués alors que j’écris ces lignes.

« Prix Gravix »

Il reste à gagner l’atelier des hauts de la fondation, où se tiennent les candidats du prix. Gravix est aujourd’hui une fondation, qui est due à l’engagement pour la défense de l’estampe d’un amateur d’art, Alain Le Bret. L’action commença en 1984 et, après le décès du fondateur en 1987, se développa sous l’égide de deux autres personnalités partageant la même volonté : le peintre graveur Antoine de Margerie (décédé en 2005) et l’homme d’affaires Arnaud de Vitry qui, abandonnant la présidence en 1994, fut alors remplacé par Christine Moissinac. L’action principale de la fondation fut la création d’un prix, attribué chaque année jusqu’en 1999, puis, à partir de 2000, tous les deux ans. Une remise du prix qui eut longtemps lieu dans la célèbre galerie de Michèle Broutta, laquelle eût un rôle essentiel dans le soutien de Gravix pendant près de 25 ans, jusqu’à sa cessation d’activité en 2017.
Ce soir, organisé avec la collaboration de la Fondation Taylor et l’aide logistique de l’Atelier Pierre Soulages de la ville de Charenton, avait lieu la présentation des nominés, réunis autour de Christine Moissinac, du haut de la mezzanine de l’atelier.

Les candidats du prix Gravix dans l’atelier (Cl. Gérard Robin)

Ainsi furent présentés : Florence Bernard ; Thomas Bouquet ; María Chillón ; Romain Coquibus ; Cédric Le Corf ; Camille Pozzo di Borgo ; Jeanne Rebillaud-Clauteaux ; Nelly Stetenfeld ; Alexander Todorov et Raúl Villullas. Un choix judicieux, marqué du talent artistique des candidats exposés en cimaises, et montrant l’estampe dans une grande part de sa diversité. On aurait aimé que chaque artiste s’exprime sur son art, mais il apparut cette évidence que les graveurs sont des créateurs solitaires qui s’accommodent difficilement de la présence d’un public et surtout d’un micro !… Une manifestation au final plus que sympathique, et porteuse donc de grandes promesses.

Et puis, ce fut l’annonce de la nominée, Jeanne Rebillaud-Clauteaux, « pointe sèchiste » de cœur car aimant avant tout le rapport direct de la pointe avec la matière. Nous l’avions exposée dans le Salon : Impressions 2016 (et 2017), l’estampe à Barbizon. Nous avions alors cité dans notre catalogue 2016 un texte de Christian Massonnet, qui disait – et cela s’intègre bien avec la manifestation globale de Taylor –  « En effet, avec la finesse de son trait et les subtiles nuances des valeurs de noir et blanc, Jeanne exprime une grande force vitale, tant dans les personnages que dans les paysages, voilà le grand art d’une artiste discrète ; le commentaire de Mallarmé sur les gravures d’Odilon Redon s’adresserait aussi bien à Jeanne Clauteaux : « Vous agitez dans nos silences le plumage de nos rêves et de la nuit ». »

Gérard Robin

Quai de l’estampe

Michèle & Rémy Joffrion
10 au 15 mai 2019
Tour Saint-Barthélémy
Rue Pernelle
17000 La Rochelle
quaidelestampe@netc.fr

Vendredi 10 mai 2019, avait lieu le vernissage de la première exposition d’Invités de « Quai de l’Estampe ». Rémy (Rem) et Michèle Joffrion, deux talentueux artistes graveurs, au style et aux techniques spécifiques à chacun ont accepté, avec joie, de révéler la richesse de leur art et d’inaugurer ainsi ce cycle d’expositions (il y en aura d’autres tout au long de l’année), ouvertes aux artistes choisis par le collectif de graveurs rochelais « Quai de l’Estampe ».

Manière noire de Michèle Joffrion
(Cl. Francine Minvielle)

Jusqu’au mercredi 15 mai 2019, on peut découvrir au cœur de la Tour Saint-Barthélémy, les manières noires de Michèle, mystérieuses et envoûtantes, et les tailles douces de Rem aux traits vifs cernant parfois des représentations de matières surprenantes de vivacité et de fantaisie. Leurs œuvres se complètent, s’épousent et se répondent dans ce lieu où les pierres ocres semblent communiquer avec eux par de mystérieux messages gravés, indéchiffrables.

Burins de Rem Joffrion
(Cl. Francine Minvielle)

A voir à La Rochelle.

Francine Minvielle