Un écrin chargé d’histoire

Catherine Gillet
gravures/dessins
Quai de l’Estampe
Tour St Barthélémy
rue Pernelle 17000 La Rochelle
23 septembre au 1er octobre 2020

Au pied de la Tour Saint-Barthélémy (Cl. Rémy Joffrion)

La Rochelle, le 24 septembre 2020, vernissage dans un écrin chargé d’histoire.  Un vernissage dans un écrin de pierre calcaire charentaise de blanc antique coloré, la Tour St Barthélémy qui jouxte la cathédrale de La Rochelle. Une osmose réussie : de sobres encadrements des œuvres (estampes et dessins), sans vitre de protection, offrent ainsi au regard une connivence avec les subtilités infinies des estampes proposées par Catherine Gillet.

L’ambiance très amicale est propice aux échanges, où les membres du Collectif de graveurs du « Quai de l’Estampe » apportent leurs touches personnelles chaleureuses à l’artiste et aux visiteurs avertis ou découvreurs. Jusqu’au 1er octobre, fin de l’exposition, cette approche sera la marque de ce lieu de gravure qu’est le « Quai », où chacune et chacun goûteront dans un moment privilégié à l’art de la gravure et qui restera dans la mémoire culturelle rochelaise.

Une vue de l’exposition (Cl. Rémy Joffrion)

On pourrait imaginer les gravures de Catherine Gillet empruntant les méandres de l’âme du visiteur sur une musique de Ravel toute de gouttelettes d’eau habillée, jouxtant celle d’un Rachmaninov rebelle.
Au fil des découvertes des estampes et dessins, c’est un « lâcher des amarres » qui nous transporte dans un monde où se fracasse la douceur dans les tailles incisives du burin.

Chaque œuvre présentée, par sa spécificité unique, ou dans une série est un ESSAI à part entière. On a hâte de se plonger dans l’ŒUVRE GRAVÉ en cours pour en feuilleter la pléiade des moments de vie de l’artiste écrits au burin-orfèvre. Une écriture littéraire transmutée en gravure. Une sorte de Livre d’Heures personnel du temps qui passe.
On ne peut qu’être invité à parcourir le cheminement introspectif maîtrisé, libéré, de Catherine Gillet, en y associant son propre chemin de vie. Nous en sortons apaisés, baignant encore dans un cocon de poésie en lévitation dans le monde bouleversé qui nous guette « en présentiel ! » dès la sortie de la Tour.

Une autre vue de l’exposition (Cl. Rémy Joffrion)

Catherine Gillet, quittant le Quai, reprendra son voyage vers de nouveaux horizons, de nouvelles explorations de son moi ancré dans le vivant, portée par le vaisseau de son burin comme ce fut, en son temps, Yersin explorant l’Univers.
Bon vent Catherine.

Rémy Joffrion

Gravure aux Tanneries

Les Tanneries
234 rue des Ponts
45200 Amilly
10 au 20 septembre 2020

« Lady Godiva » de Tereza Lochmann (Cl. Sophia-Antipolis)

En parcourant les pages de mon journal local : L’Éclaireur du Gâtinais (n° 3908, mercredi 23 septembre 2020), je suis tombé sur un petit article relatif aux Journées du patrimoine au Centre d’art contemporain des Tanneries, à Amilly, dans le département du Loiret. Un événement auquel je n’ai pas assisté, mais qu’il me semble intéressant de rapporter, car la gravure y fut à l’honneur. Elle s’articulait autour de l’intervention d’une artiste plasticienne, née en 1990 en Tchèquie, Tereza Lochmann (ou Lochmannová), diplômée de l‘Académie des arts, architecture et design (UMPRUM) de Prague et de l’École nationale des Beaux-Arts (ENSBA) de Paris, et dont la base du travail est la xylogravure en grand format qu’elle pratique d’une manière singulière. En effet, si l’on se réfère à son site : « À travers du détournement du processus classique, elle se sert de la gravure sur bois et de l’impression comme d’outils pour peindre. Dans ses œuvres, réalisés en un seul exemplaire, la gravure tente à dépasser son application traditionnelle et devient un médium contemporain, vivant et variable. »
Une artiste en quête de liberté de pensée, de spontanéité et de force graphiques, en questionnement sur l’humanité, dans une démarche créative pleine de promesses, à suivre absolument.

Et, voici, sous la plume du journaliste, ce que j’ai pu lire dans mon journal : « Dans le cadre de ces journées du patrimoine tournées sur le thème de l’éducation, des visites guidées et ateliers de gravure se sont déroulées ce week-end aux Tanneries.

Séance de travail – encrage (Cl. Jeanne-Pelloquin)

Dimanche avait lieu également au centre d’art contemporain la restitution de résidence de Tereza Lochmann, artiste plasticienne spécialisée dans la gravure sur bois, en présence du maire Gérard Dupaty, Fabrice Morio, directeur régional des affaires culturelles, et François Bonneau, président de la région.
60 à70 enfants et adultes de l’école d’arts d’Amilly ont été accueillis du 10 au 20 septembre par l’artiste, aidée de David et Vincent, professeurs plasticiens. La presse de Georges Thouvenot* acquise par la ville a été utilisée, tel un trait d’union entre deux époques, et aux côtés des gravures à la gomme et à l’encre à l’eau réalisées, une œuvre collective représentant un arbre de vie en a émané. »

Arbre de Vie (Cl. Jeanne-Pelloquin)

« Les Tanneries sont un nom qui circule chez les jeunes artistes à Paris. Le confinement a rendu les élèves plus heureux de découvrir et de s’essayer à des techniques de gravure », a confié l’artiste, qui vit dans la capitale.
Éric Degoutte, le directeur du Centre d’art amillois, donne à présent rendez-vous au public le 10 octobre, pour le lancement de la 5e saison artistique. Elle sera présentée ultérieurement. »

* Nota : Rappelons que Georges Thouvenot (1909-2008) est un artiste graveur, dessinateur et peintre qui, après des études à l’École Estienne en 1924, puis à partir de 1927 aux Beaux-Arts de Paris, obtint en 1934 le 2e Prix de Rome de gravure, avec une œuvre intitulée : « Le Remords d’Oreste« , dont il fut dit que l’originalité de la composition et l’esprit romantique firent l’unanimité de la critique. Il quitta Paris pour être professeur d’arts plastiques à Montluçon, dans l’Allier, avant de se fixer en 1943 dans le Loiret, à Montargis, où il enseigna son art. Il fit don de ses gravures à la Bibliothèque municipale de la ville.

Gérard Robin

Jean Lodge sillonne le bois

Galerie l’Angélus, Series
34, Grande Rue
77630 Barbizon
19 septembre – 18 octobre 2020

Vue de la galerie Séries (Cl. Gérard Robin)

A l’occasion des 37e Journées européennes du patrimoine, l’animation était grande dans les rues du village de Barbizon, mais sans excès en raison de la présence potentielle du Covid 19, les visages masqués pour les promeneurs non installés à la terrasse des cafés et déambulant à la découverte de la mémoire des Impressionnistes. Le temps était beau, d’une chaleur un peu lourde sous couverture nuageuse, mais propice à la flânerie. Face au musée Millet, l’une des galeries l’Angélus, – celle dénommée Series -, (car il en a deux autres : Fine Art et New Art), accueillait la présence d’une grande dame de la gravure : Jean Lodge.

 

Un bien grand plaisir de retrouver cette artiste sympathique et hors norme, d’échanger avec elle, et de revoir sans se lasser, sur cimaise ou en cartons, nombre de ses estampes dans une rétrospective allant de la litho à la taille-douce aquafortée et surtout burinée, et bien sûr  la taille d’épargne sur bois de fil, la matière qu’elle rattache à l’environnement boisé de son enfance et qui est aujourd’hui un support dans lequel elle excelle. De véritables merveilles, qui s’inscrivent dans une démarche qui la touche au plus profond d’elle-même, nécessaire, porteuse de révélations souvent insoupçonnées au fil des planches, et dans laquelle elle puise son souffle vital et se régénère en permanence.

Une vue de l’exposition (Cl. Gérard Robin)

La journaliste et écrivaine Laurence Paton, dans un bel article paru dans la revue Art & Métiers du Livre (n° 337, 2020), commence ses propos ainsi : « Regarder l’œuvre gravé de Jean Lodge et s’entretenir avec elle, c’est s’approcher progressivement d’une vérité biographique, historique et artistique, découvrir peu à peu le motif qui sous-tend tout son travail et à partir duquel elle crée ses images singulières. Comme dans la vie, en tout cas la sienne, c’est une quête permanente, et de l’arrière-fond de ses bois polychromes surgissent soudain des visages, le plus souvent féminins, des mains, des enfants, des papillons, des arbres, des clowns, des marais salants, des bribes de texte. Rien n’est donné d’avance, tout se dévoile et se dérobe en même temps. Parfois il faut s’éloigner de l’image pour la voir apparaître, et c’est alors comme si un fantôme venait à notre rencontre. Intuitivement mais savamment composées, ses gravures semblent construites autour d’une énigme, une énigme qui fait rêver ».

« Visage 17 », xylographie, 2015 (Cl. Gérard Robin)

Quant à son art, dans son approche technique, artistique et sensuelle, Jean Lodge le décrit ainsi, transcrit de l’américain par Gérard Sourd (Nouvelles de l’Estampe n° 201, 2005 : « Chaque planche possède son caractère propre. Je la respecte et travaille avec elle, j’utilise beaucoup de sortes de bois, parmi lesquels le mûrier, le poirier, l’érable, le tilleul, le noyer et le pin… La force, la direction du fil, le grain, et l’approche que je peux avoir d’une pièce sont les facteurs déterminants. » … « Quand je travaille, je cherche à introduire des mutations […], j’essaie d’accueillir l’imprévu. Faire une estampe est une aventure. L’image finale, telle qu’elle apparaît au tirage, doit “fonctionner“ uniquement par rapport à elle-même, et non par rapport à une image conçue à l’avance, ou préexistante. Si tel n’était pas le cas, il n’y aurait aucune raison de suivre la procédure complexe et indirecte d’élaboration d’une estampe. Pour moi, l’intérêt de travailler sur des “impressions“ n’est pas de produire des multiples ; c’est plutôt la possibilité qui m’est donnée de découvrir des images qui ne pourraient pas apparaître d’aucune autre façon. »

Et de conclure, avec le conservateur en chef honoraire au département des estampes et de la photographie de la BnF, Claude Bouret (Fondation Taylor, 2016) : « Une très vive sensibilité à la permanence du passé, de préférence le plus lointain, est la clé de son œuvre. Car elle puise ses images dans la technique de la xylographie, un medium magique pour apprivoiser les vibrations du temps ».

Cela dit, hors les discours, il faut absolument redécouvrir, – ou découvrir pour ceux qui ne connaîtraient pas -, ces œuvres attachantes, mises en relief dans la galerie barbizonnaise de Iam et Bachar Farhat.

Gérard Robin