Le 16 mars 2024

La salle de conférence, côté public (Cl. Gérard Robin)

BnF – site Richelieu
5 rue Vivienne 75002 Paris

Assemblée générale

Ce seize mars deux mille vingt-quatre concerne les élections de la Fédération nationale de… l’estampe, bien sûr ! Nous voici donc dans le cadre de l’assemblée générale annuelle de Manifestampe, à une date qui marque ses vingt ans d’existence et qui sera ici, vous le devinez, sereine, ouverte et constructive. Comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement, en ce lieu prestigieux du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France, dans sa belle salle de conférence, dont les hautes baies à petits carreaux laissent entrer des fragments de la lumière ensoleillée du dehors, qui s’étirent sur le parquet, nimbant la salle d’une douce clarté. Une veille de printemps qui participe à l’ambiance. La présidente et les membres du bureau qui, après plusieurs années de bons et loyaux services et l’envie de se consacrer plus pleinement à leur propre travail créatif, ne briguent pas un nouveau mandat. Et de nous accueillir, du haut de leur estrade, Rosemary Piolais, la présidente, Pascale Simonet, la vice-présidente, Violaine Fayolle, la secrétaire et Khedija Ennifer-Courtois, qui abordera la situation financière, précisant que les pièces comptables sont à disposition1.

Le bureau sortant avec, de gauche à droite : Khedija Ennifer-Courtois,
Violaine Fayolle, Rosemary Piolais et Pascale Simonet (Cl. Gérard Robin)

Le public présent sera attentif au déroulement de la séance et aux résultats donnés, dans une ambiance conviviale. Il n’est point ici question d’entrer dans les détails chiffrés de la comptabilité, que l’on pourra trouver ailleurs, et qui ont été développés, montrant un bilan globalement positif, et un budget prévisionnel dans cet esprit. Au regard des adhésions, Manifestampe montre l’intérêt qu’elle suscite, en France et même ailleurs. Retenons que son site, « véritable maison virtuelle » de l’estampe et de ses acteurs, en est un atout majeur, annonçant les événements qui lui sont indiqués, proposant des articles dans le magazine « Vu & Lu… pour vous » et suscitant annuellement plusieurs milliers de fréquentations. Quant à la Fête de l’Estampe, soutenue par le Ministère de la Culture, elle a eu à son actif plus de 200 manifestations en 2023. Précision sera faite des moyens donnés aux participants pour faciliter leur communication (logo, affiches, focus, annonces sur site, etc.) À l’initiative de la présidente et dans ce cadre, une bourse est envisagée, pour être attribuée, en partenariat avec le Géant des Beaux-arts, à cinq jeunes artistes de moins de 30 ans participant à cette fête.

Et n’oublions pas, les activités master class « Catalogue raisonné » et « Estampe », respectivement animées par Maxime Préaud et Michel Henri Viot, qui complètent l’action fédérative ainsi que la table ronde avec les responsables d’association en automne 2023. Manifestampe, au travers de son rapport d’activité et d’orientation, montre une fois de plus sa nécessité d’être et sa dynamique reconnue, visant à la promotion de l’art de la « stampagraphie » (j’ose le mot !), dans ses manifestations et dans tous ses états.

Vint ensuite l’appel aux candidatures, celles à renouveler ou celles nouvelles, sur lequel le vote devait porter : Marie Akar, Luc-Émile Bouche-Florin, Karianne Brevick, Karen Ganilsy, Valérie Honnart, Jean-Pierre Lourdais et Charlotte Massip. Et chacun, chacune, de se présenter, dans sa personnalité et ses compétences. Un bon cru pour la fédération, à n’en pas douter… Restera la formation du bureau lors du premier conseil d’administration à venir. L’instant est alors celui de la récupération des bulletins.

Signalons la présence dans le public de Joseph de Colbert, président de l’association « Les Amateurs d’Estampes », créée en 2017 et centrée sur le monde des collectionneurs d’estampes anciennes et contemporaines. Leur assemblée générale s’était d’ailleurs tenue dans la même salle quelque quatorze jours plus tôt. Le président de Colbert nous informa de leur participation, avec le Comité national de l’estampe, à la troisième édition de la « Paris Print Fair » au réfectoire du Couvent des Cordeliers, organisée par la CSEDT (Chambre Syndicale de l’Estampe, du Dessin et du Tableau), où exposent une vingtaine de galeries européennes, et où sera décerné le « Prix Henri Beraldi de la recherche sur l’estampe », couronnant une thèse de doctorat dédiée, soutenue dans une université française, ou un ouvrage (essai ou catalogue raisonné) publié en France. Rappelons qu’Henri Beraldi (1849-1931) fut un homme de lettres, fondateur et président de la Société des livres ; il fut aussi bibliophile, et collectionneur d’estampes. Deux « Vu & Lu », émanant de Maxime Préaud, évoquent l’un la « Paris Print Fair »2, l’autre la remise du Prix Henri Beraldi3, qui fut remis le 21 mars 2024 à l’historien de l’art Yvon Le Bras.

Table ronde thématique

L’assemblée générale se termina, laissant place à une table ronde (rectangulaire) sur le thème : « Art imprimé ou Pratiques contemporaines de l’estampe ». Elle accueillera, sous le regard du médiateur Claude Bureau, membre du CA et dans l’ordre des interventions : Saïd Messari, artiste marocain résidant à Madrid ; Jean-Marie Marandin, artiste graveur et linguiste, et Cécile Pocheau-Lesteven, conservatrice au département des estampes de la BnF.

La table ronde avec, de gauche à droite : Saïd Messari, Jean-Marie Marandin, Cécile Pocheau-Lesteven et Claude Bureau (Cl. Gérard Robin)

Un thème intéressant car l’art, au cœur et à l’image de l’environnement sociétal, est en évolution permanente. Un mouvement insidieux qui peut parfois échapper à l’artiste traditionnel stampassin, dans l’isolement de son atelier, tout à son temps passé à l’inscription, dans ou sur la matière, de son imaginaire, puis du transfert assorti d’états souvent nécessaires sur le papier. Les salons où l’estampe est exposée ne sont pas toujours évocateurs de la transformation qui s’opère ailleurs dans les arts, qu’ils soient plastiques ou autres, et dans lesquels l’estampe peut s’insérer et, peut-être (c’est mon avis) se perdre… Je vais tenter de résumer les propos des intervenants4.

Le premier, Saïd Messari, évoqua la situation difficile de l’estampe traditionnelle, notamment en Espagne, dans un marché lié à une classe moyenne en perte de pouvoir d’achat. Avec pour conséquences des fermetures de galeries, ou comme pour le grand salon madrilène, « Estampa », qui avait été créé en 1992 pour être consacré, comme son nom l’indique, à la seule estampe, devenant aujourd’hui une grande foire internationale d’art contemporain. Subissant cette évolution, l’artiste est souvent amené, pour vivre de son art, à considérer l’acte de gravure comme un champ possible de recherche et de développement dans un travail créatif susceptible, au sein des arts plastiques, d’attirer l’intérêt du public. L’atelier devient alors laboratoire d’expérimentation où les techniques de bases s’effacent pour faire place à des approches non traditionnelles au travers des textures graphique, picturale et sculpturale. Lui-même utilise à cet effet des plaques offset d’imprimerie, qu’il récupère au moindre coût et recycle en utilisant l’envers. Il insiste alors sur le rôle du papier, dans la fabrication de sa pâte et le type de séchage, pour en modifier la structure et l’adapter à son dessein. Selon « un concept allant de la gravure dans la sculpture, à la sculpture dans la gravure ». Une approche donc novatrice du mode estampe.

Le deuxième, Jean-Marie Marandin, qui se définit (lors d’une conférence à la Fondation Taylor) comme « linguiste dans une première vie, graveur dans la seconde », est un fin connaisseur des états de l’art et de sa compréhension. Il s’est déjà manifesté dans « Vu & Lu » par ses articles. Appuyant son discours sur des projections de textes et images, il traitera de la « Vitalité des médiums d’impression (dans le paradigme) de l’art contemporain ». Des propos qui montrent que l’estampe, lorsqu’elle est jugée en obsolescence, doit être réinventée, pour devenir un médium plus conceptuel, où l’image se révèle impressionniste, dans une présentation qui s’ouvre naturellement sur autre chose que prévu, dans une présence parfois polysémique. Cela en profitant du fait que la technique permet d’obtenir, à partir d’une même matrice lors du transfert, des tirages différents, qui peuvent être répétés, assemblés. Une configuration qui ferait dire à l’artiste : « Quelque chose qui était présent laisse en se retirant une marque de son passage et donc de son existence : ce qui était présent est maintenant absent ». Ce qui est là : « Le lien imaginaire des médiums d’impressions avec le souvenir, le manque, la perte, le deuil ou la mort. »

Avec le constat cette fois matériel que, pour gagner en lisibilité, les formats s’agrandissent pour quitter la structure plane et mieux s’inscrire dans le volume, ou participer là encore à des installations ou des performances. Nombre d’artistes sont cités, comme Andy Wahrol, mais je resterai sur celle, exemplaire, de l’artiste belge Camille Dufour, basée sur un grand bois (2 x 1 mètre) : « Eaux anonymes » (2022), évoquant le thème dramatique actuel de la “migration”, et imprimé sur toile avec comme encre le suc extrait de fleurs et de plantes. Une installation qui comprend l’estampe en cimaise, la matrice au sol, telle une pierre tombale, et les végétaux utilisés. Une œuvre suggestive, magnifique et lourde de sens, en hommage aux disparus en mer.

La troisième, Cécile Pocheau-Lesteven, conservatrice, partage la même vision de l’estampe contemporaine, qu’elle juge vivante, née cycliquement de phases d’obsolescence et de phases de renouveau, et qui est généralement issue d’un mode d’expression venant d’artistes qui ne sont pas de purs estampiers. L’exemple de Camille Dufour sera là encore évoqué, mentionnant une autre de ses créations graphiques, qui évoque, par quatre grandes xylographies, la guerre de Syrie au travers des ruines d’Alep, avec une édition multiple d’estampes réalisée symboliquement avec l’usage du savon aleppin comme baren ; imprimée en séries sans encrage renouvelé, la disposition spatiale en séries suspendues viserait à un effacement mémoriel, hommage aux victimes, marquant une impossible réparation.

Cette estampe contemporaine est un médium chargé de messages qui concernent le monde d’aujourd’hui. Il s’intègre à des pratiques des plus diverses tout en y imposant une présence particulière et forte. On s’éloigne de la bi-dimension vers quelque chose qui en appelle à tous les sens et qui est multiforme. Ce qui implique une gestion différente du point de vue de la conservation, qui doit s’adapter à l’évolution des pratiques et des volumes d’espace à disposition. En raison des dimensions souvent importantes des estampes, des supports d’installations variés et fragiles, tout ne peut donc être gardé à la BnF : comme il en est, par leur grandeur, de bois gravés ou de matrices en métal (hors certaines de valeur historique), à moins que cela ne trouve place dans des musées.

J’espère que mon analyse, forcément subjective, traduit avec le plus de justesse possible les propos exprimés. J’ajouterais, pour résumer mon impression générale, que l’estampe, dans l’art contemporain ― et pour trouver une correspondance avec la musique ― ne serait plus une fin en soi, elle serait devenue un instrument particulier ou majeur d’une orchestration graphique ou plastique ; elle est alors dans ce cas une composante qui participe, telle un piano ou un violon, au narratif visuel, et à l’émotion de la composition. En l’état, ce fut une table ronde didactique, passionnante, qui permet d’apporter un éclairage aux ressentis que l’on peut éprouver devant cette estampe nouvelle.

La soirée se termina dans la galerie Gallix, au 5 rue Pierre Sémard 75009 Paris, siège de la société éponyme, qui réalise des films sur l’estampe, comme la collection « Impressions fortes », conçue par Bertrand Renaudineau et Gérard Emmanuel da Silva.

Espace Gallix, à droite au premier plan,
Jeanne Rebillaud-Clauteaux (Cl. Gérard Robin)

Cela autour du verre de l’amitié, mais aussi au cœur d’une belle exposition d’œuvres gravées de Jeanne Rebillaud-Clauteaux. Celle-ci est bien sûr présente. Avec sa simplicité et son talent, chantre de la suggestion des corps, de l’apparition de silhouettes dans l’instantané d’une attitude ou d’un passage, que sa pointe sèche évoque dans un jeu de gris subtils. Ce fut pour moi source de souvenirs, lorsqu’elle fut en 2012, lauréate du « Prix Jeune Gravure » au Salon d’Automne ; lorsqu’elle reçut en 2015 le « Prix Kiyoshi Hasegawa » à la Fondation Taylor, ou encore dans la galerie « L’Angélus » de Barbizon…

Ainsi fut close une belle journée stampassine, riche d’événements.

Gérard Robin

1 – pour lire le compte rendu exhaustif de l’assemblée générale ordinaire cliquez ici.
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3pour lire cet article cliquez ici.
4pour lire le compte rendu exhaustif de la table ronde cliquez ici.

 

 

L’art imprimé au cœur de la création contemporaine

Capture d’écran : présentation des six conférences

J’ai « écouté pour vous » les six conférences de Jennifer Roberts « On Printmaking » (De l’art d’imprimer des images). On les trouve sur Youtube (taper Jennifer Roberts On Printmaking). Elles sont en accès libre. On les doit au Covid : elles ont été enregistrées pour être données en distanciel via internet et non dans le cadre d’un amphithéâtre comme c’est l’usage pour les prestigieuses conférences de la National Gallery of Arts.

Jasper Johns, commentant sa démarche, confiait (je traduis) : « pratiquer une technique d’impression vous permet de créer, mais surtout fait fonctionner votre esprit différemment que lorsque, par exemple, vous pratiquez la peinture avec un pinceau … Cela nourrit en retour votre peinture parce que vous trouvez des choses nécessaires pour l’impression qui deviennent intéressantes en elles-mêmes ; elles peuvent être utilisées en peinture où, sans être nécessaires, elles vous donnent des idées. C’est ainsi que faire des estampes a beaucoup influencé ma peinture. »

S’appuyant sur cette confidence de Johns (citée dans la deuxième conférence), Roberts développe une hypothèse générale : les artistes qui ont fait l’art américain des années 1960/70 pratiquaient une technique d’impression et cette pratique est au cœur de leur création et cela, quel que soit le medium utilisé (technique d’impression ou non). Elle développe son hypothèse en analysant les œuvres de Jasper Johns, Robert Rauschenberg, Andy Warhol, Ed Rusha, entre autres ; elle étend son analyse à certains artistes contemporains : entre autres, Glenn Ligon, Mona Hatoum, Mark Bradford, Julie Mehretu, Christiane Baumgartner.

Pour développer cette hypothèse, Roberts présente une analyse ambitieuse de l’impression d’images (printmaking). Elle distingue six gestes de base (elle emploie le terme anglais maneuver) qui sont instanciés et déclinés dans les chaînes opératoires caractéristiques des différentes techniques d’impression (gravure, lithographie, sérigraphie, impression numérique et techniques adjacentes : pochoir, frottage). Elle appelle ces six gestes génériques : Pressure, Reversal, Separation, Strain, Interference, Alienation. En français : Pression, Inversion, Disjonction, Forçage, Interférence, Aliénation. Chacune des six conférences est consacrée à un de ces gestes.

Par exemple, la première conférence « Pressure » (Pression) expose comment la fabrique d’une image imprimée met en jeu un couple de forces antagonistes « pression contre résistance » (le rouleau contre le plateau de la presse, la raclette qui force l’encre à travers l’écran de sérigraphie) et d’autre part, un enchaînement de deux moments : celui de la pression, qui permet le transfert de l’image par contact, et celui du relâchement qui libère l’épreuve.

Puis, Roberts articule sa description minutieuse des processus matériels à une approche holistique de la technique. Elle montre comment, dans le contexte social, économique ou culturel que l’artiste convoque, ces processus donnent sens par eux-mêmes à l’œuvre sans recourir à une représentation. Elle prend l’exemple de la série Beauties de Willie Cole (2012) : Cole transforme des tables à repasser, qu’il a aplaties à coup de marteau, en matrices qu’il imprime sous une presse taille douce. Il nomme chaque estampe du nom d’une femme de la génération de sa grand-mère. Présentant la trace matérielle de l’objet sur lequel s’échinaient les servantes noires dans les familles blanches, chaque estampe porteuse d’un nom propre devient un portrait symbolique. Leur réunion sur le mur d’une galerie ou d’un musée rend hommage à ces femmes inconnues et à leur labeur non reconnu.

Capture d’écran : vue de l’exposition de Willie Cole

Elle prolonge l’analyse avec les œuvres de David Hammons. Sans utiliser de dispositif mécanique pour presser, il met en jeu l’enchainement « transfert par pression / relâchement ». Hammons presse son corps, ou partie de son corps, sur une feuille de papier préparée, puis s’en détache en laissant une empreinte. Il crée des images qui rappellent et évoquent les corps des hommes noirs objets des violences policières sans les réifier comme le ferait la photographie et son usage dans les medias.

Capture d’écran : détail d’une estampe de David Hammons

L’intérêt de ces six conférences me semble triple. Le premier est artistique : Roberts nous fait entrer dans « la cuisine technique/conceptuelle » d’artistes engagés dans des démarches très diverses et, comme le dit Jasper Johns, ça donne des idées ! Le second relève de l’histoire de l’art : en donnant une place centrale aux techniques d’impression, elle renouvelle notre vision de l’art moderne et contemporain. Par exemple, elle débarrasse l’œuvre de Warhol des clichés qu’on rabâche sur le pop art, critique de la société de consommation, pour montrer combien sa pratique de la sérigraphie est subtile. Sa présentation de l’œuvre de Baumgartner, qui s’appuie sur une remarque de Ruskin sur la gravure en bois debout, est lumineuse. Le troisième intéresse la philosophie de l’art : elle développe une analyse de l’image (il faudrait utiliser ici le terme de Jean-Claude Bailly, l’imagement) dans les arts visuels occidentaux libérée de la tradition centrée sur la peinture ou le dessin. Ces conférences devraient faire date

Les conférences sont en anglais américain (côte Est). Elles sont faciles à suivre car elles sont sous-titrées en anglais, ce qui permet de reconnaître les termes ou les mots dont la prononciation n’est pas familière. Par ailleurs, le plan, l’argumentation, les illustrations sont toujours explicites ; Roberts ne jargonne pas et ne laisse jamais dans l’ombre ses présupposés théoriques ou ses préférences artistiques.

Jean-Marie Marandin

Le Tampographe Sardon

Compte Instagram du Tampographe (Cl. C. Gillet)

Belle surprise matinale ce matin du vendredi 23 décembre dernier que d’entendre une longue interview de l’artiste Vincent Sardon, dit le Tampographe, sur France-Culture, dans l’émission « Le cours de l’histoire ». Dans l’opus du vendredi, « Fou d’histoire », Xavier Mauduit reçoit un invité pour « donner la parole à ceux et à celles qui ne sont pas historiens, pas historiennes, mais qui se baladent dans le passé pour construire leurs œuvres et leur univers. »

Ainsi ce matin-là, pour évoquer l’histoire du tampon encreur, Vincent Sardon est-il convié à présenter sa démarche et son parcours. Artiste iconoclaste connu notamment pour ses tampons gravés et coffrets d’insultes savoureusement tamponnées (comme entre autres le coffret « Injures Trostkistes », ou bien son « Nécessaire de gribouillage »).

Site de l’interview sur Radio France (Cl. C. Gillet)

Croisé il y a une dizaine d’années à son exposition personnelle de tampons et tableaux de tampons à la galerie Nabokov qui existait alors place Dauphine à Paris, j’avais été saisie par la force graphique, l’humour noir, le cynisme aussi de cet œuvre présenté avec raffinement.

Aujourd’hui seul maître à bord de son aventure nihiliste, Sardon édite ses tampons, coffrets et affiches et les propose au public en ligne via son site Internet ou bien à Paris, le samedi, dans sa boutique-galerie parisienne de la rue du Repos, près du cimetière du Père-Lachaise.

Il explique dans cette interview d’une heure, émaillée d’extraits sonores de films et actualités du XXe siècle, qu’après ses études d’art plastique, en digne jeune artiste fauché, il a commencé à graver sur des gommes et sur des légumes pour ensuite imprimer ses réalisations sur du papier. Finalement il opte pour le tampon de caoutchouc, qui « officialise le propos », désireux de s’affranchir d’une certaine bien-pensance du monde artistique.

Amateur de typographie, de détournement d’anciennes frises décoratives, de tampons administratifs, Sardon développe une approche à la fois jouissive et désespérée. Il n’est qu’à lire les textes accompagnant les photos de son compte Instagram, véritable journal intime où le Tampographe narre son quotidien dans la solitude d’un plateau bourguignon qui semble sans cesse battu des vents et boueux à souhait, loin des villes.

Allez, tout n’est pas foutu…

Catherine Gillet

Lien vers l’interview : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/le-tampographe-sardon-fou-d-histoire-3428399
Lien compte Instagram : https://www.instagram.com/le.tampographe.sardon/