Commémoration

Espampe de Julien Mélique
(Carte de vœux 2021 de Manifestampe
Visuels de la Fête de l’estampe 2021)

La répétition d’un événement forge sans aucun doute une mémoire commune. Aussi les fêtes anniversaires sont-elles universellement présentes dans la plupart des civilisations humaines. Les circonstances particulières pendant lesquelles elles se déroulent magnifient, altèrent ou dégradent leurs souvenirs. Ceux des Fêtes de l’estampe 2020 et 2021 seront certainement marqués par les restrictions sanitaires louables prises pour obvier la pandémie qui perdure : confinements, couvre-feux et autres laisser-passer. L’estampe de Julien Mélique, dont les sardines confinées et le mot “Liberté” sont l’emblème et le slogan (estampe reprise sur les affiches de cette fête 2021) s’accorde particulièrement avec la date qui en a fondé l’existence, celle anniversaire du 26 mai 1660.

En effet, ce jour-là célèbre et commémore l’arrêt en conseil d’État signé par Louis XIV, arrêt plus connu du monde stampassin sous le nom d’édit de Saint-Jean-de-Luz. Car, dans la lettre de cet édit, il s’agit bien du mot Liberté qui émeut aujourd’hui le monde stampassin en regard des restrictions qu’il a subies ou qu’il subit encore. Voici l’essentiel de la décision prise par le roi en son conseil :

« […] Sa Majesté, estant en son conseil, […] a maintenu et gardé, maintient et garde l’art de la graveure en tailles-douces, au burin et à l’eau-forte, et autres manières telles qu’elles soient, et ceux qui font profession d’iceluy, tant régnicoles qu’estrangers, en la liberté qu’ils ont toujours eue de l’exercer dans le royaume, sans qu’ils puissent être réduits en maîtrise ny corps de mestiers, ny sujets à autres règles ny controlles sous quelques noms que ce soit, laissant les choses comme elles ont toujours esté jusqu’à présent dans cette profession.[…] »

Qui ne peut aujourd’hui applaudir à cette déclaration tant elle résonne avec les sentiments ressentis maintenant par la plupart d’entre nous ? Et, comment ne pas souscrire à l’actualité de cette décision dans notre république, quelque peu jacobine et administrativement tatillonne, où des tentations d’immatriculer, de répertorier ou de contrôler la pratique de l’estampe, voire de la régenter par des codes éthiques ou déontologiques, resurgissent de temps à autre, y compris dans les rangs du monde stampassin.

Commémorer cet arrêt, chaque 26 mai, n’est pas seulement un ornement historique. Sa proclamation conserve ainsi toute sa vigueur pendant la Fête de l’estampe au moment où notre liberté de faire, de s’exposer et d’exposer est devenue si précieuse.

Claude Bureau

Nota bene : On peut retrouver un commentaire de l’édit de Saint-Jean-de-Luz dans l’article publié en 2020 par ce magazine : Arrêt du 26 mai 1660 (voir ici). Pour ceux qui veulent mieux connaître la genèse historique de cet édit, on se référera aux textes suivants : Marianne Grivel,‌ Le commerce de l’estampe à Paris au XVIIe siècle, Genève, Droz, 1987 (voir ici), Maxime Préaud, Pierre Casselle, Marianne Grivel, Corinne Le Bitouzé, Dictionnaire des éditeurs d’estampes à Paris sous l’Ancien Régime, Paris, Promodis, 1987(voir ic i), Rémy Mathis, Le « sr de Lavenage », Paris, Nouvelles de l’estampe n°252, 2015 (voir ici).

 

 

https://journals.openedition.org/estampe/595

http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1986-06-0627-003

http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1988-04-0334-011