Conférence : “la grande aventure de l’estampe…”
Musée Bernard d’Agesci
26, avenue de Limoges – 79000 Niort
Jeudi 3 octobre 2019
Le riche petit monde ornithologique et entomologiste des collections du musée Bernard d’Agesci profite de l’événement de la Fête de la science pour s’évader, en délégation (bécasses, bécassines, sarcelles, faucons, geais, cigales et lucanes), migrants, qui dans une vitrine, qui, deux faisans, impertinents, au-dessus de magnifiques gravures de François Verdier, graveur local de grand talent, présentées dans le grand hall lumineux du musée, avec des encadrements de qualité, sous verre sans reflets. Le décor est planté, les visiteurs peuvent maintenant rejoindre la salle de conférence au matériel audio-visuel performant.
Sous l’impulsion de Laurence Lamy, conservatrice en chef du patrimoine et directrice du musée, le voyage proposé par Gérard et Maïté Robin se réfère à l’estampe européenne : “La grande aventure de l’estampe, sur la piste des chercheurs d’art : Gutenberg, Dürer, Rembrandt, Rochebrune, Verdier”. Nous voici alors voyageant dans le temps et par l’image, des prémisses de la gravure à son épanouissement créatif actuel dans tous les modes d’expression estampière. Dès l’extinction des lumières d’ambiance, le public comprit que ce serait “du lourd” par la richesse du propos au micro du conférencier, sous-tendu par les reproductions photographiques exceptionnelles projetées en parfaite synchronisation par sa partenaire. L’épure des schémas explicitant les différentes techniques de gravure, les zooms à l’image pour explorer certains détails, les clichés assemblés pour globaliser un propos, comblèrent l’attente “de savoir”. En un mot, ce fut une conférence de deux heures, où personne ne vit le temps passer, à tel point que les sièges gardèrent l’empreinte des corps encore un moment après l’extinction de tous les “feux” du micro et à l’écran.
La salle pendant la conférence (Cl. Rémy Joffrion)
Ainsi, fut parcourue “La grande aventure de l’estampe”, chevauchant les pétroglyphes, l’argile, le papyrus, le parchemin puis le papier, s’y ajoutant pour leurs tailles le bois et le métal. Le public put ainsi découvrir ou revisiter les merveilles des créations gravées au travers des diverses techniques mises au point, le tout, opportunément décrit, précisant les impératifs géographiques, économiques et politiques à leurs développements respectifs. Les grandes figures de la gravure au cours des siècles sont resituées dans leur contexte, en soulignant les avancées déterminantes des techniques. Cours magistral, accessible à tous, et qui nous donne une sensation d’osmose avec ce grand “Savoir”.
Une des projections de la conférence
C’est ensuite une grande étape en terre poitevine, qui nous amène à voyager dans le temps avec, pour fixer le décor, la découverte de cartographies régionale et niortaise en taille-douce, parfois aquarellées, du XVIIe à l’aube du XIXe siècle. Le conférencier, grâce à des recherches opiniâtres, caresse la mémoire collective locale avec la légendaire Mélusine, le Géant Gargantua qui arpenta la région sous la plume de Rabelais et le Dragon des marais toujours présent dans les rues de Niort. La quête aiguisée du public est alors comblée par une iconographie très riche de gravures exceptionnelles, certaines de Jacques Callot. Nous y croisons les figures d’Aliénor d’Aquitaine, puis de Richelieu et Louis XIII à La Rochelle. Les détails des gravures agrandies crèvent l’écran. Nous levons alors le ”siège” avec de magnifiques planches représentant des personnages locaux notoires, souvent méconnus ou oubliés… Une histoire de l’Histoire servie par la gravure.
Lithographies et gravures en taille-douce se partagent l’écran et le texte dans une promenade à Niort au XIXe. Ce qui nous amène à la rencontre de grandes personnalités locales de l’estampe, comme Octave de Rochebrune [1824-1900], aquafortiste et pointe-sèchiste, vivant dans son château de Terre Neuve à Fontenay-le-Comte en Vendée. Ses créations architecturales nous font visiter des lieux emblématiques de la région et de Niort. 492 de ses cuivres gravés furent édités par la famille Clouzot, éditeurs-Imprimeurs de Niort, en 1902. Décidément une famille vouée à l’image ! Mais aussi, Charles Escudier [1848-1923] dont quelques lithos et eaux-fortes, scènes de vie poitevine, font écho aux collections ethnographiques présentées au Donjon de Niort. Enfin, quittant le XIXe siècle, un hommage mérité est rendu au graveur François Verdier [1945-2014], présent en cimaises dans le grand hall du musée, figure marquante de la vitalité de la gravure à Niort. Passé maître en taille-douce après avoir côtoyé Michel de Michelis et Albert Decaris, il fut un “passeur” formant des générations d’élèves tant en gravure qu’en dessin.
L’équipe de la conférence (Cl. Rémy Joffrion)
Un immense merci à Gérard et Maïté Robin de nous avoir permis, à nous public, entièrement conquis par des images ciselées comme des burins, de cheminer auprès de François Verdier, des frondaisons périgourdines aux mâts de St Malo, du vol de la bécasse au chant de la cigale. Un grand œuvre poétique. Pour clore la conférence, comme une ode au maître qu’il fut, quelques gravures d’élèves niortais furent projetées. « Il y a une connivence subtile entre le graveur, l’écrivain, le poète, le compositeur de musique… donner à voir ce qui, derrière l’image, est une pure méditation de l’âme et de l’esprit » (Michel Random). Subtile et élégante conclusion, à l’image de cette conférence qui a maintenu à un très haut niveau d’écoute le nombreux public.
Rémy Joffrion