La galerie, côté est (Cl. C. Allard)
Exposition « URBS »
Paysages urbains
Chantiers, réseaux routiers et chemins de fer
29 avril au 14 juin 2025
Librairie & Galerie Saint-Michel
17 quai Saint-Michel, Paris Ve
« URBS », tel est le titre générique de l’exposition que présente la Librairie & Galerie Saint-Michel, sur le quai du même nom, quasiment en face de Notre-Dame. Comme tout le monde ne sait pas que le mot d’urbs, en latin, a pour sens usuel la ville1, Constance Allard a jugé bon de préciser en sous-titre que les estampes qu’elle a rassemblées sur les murs de son relativement petit espace chaleureux sont des « Paysages urbains / Chantiers, réseaux routiers et chemins de fer ». J’ai souvent pensé qu’une des différences entre la photographie et l’estampe est que la première conserve la mémoire de la laideur tandis que la seconde la magnifie, par cette espèce de transsubstantiation dont l’art est seul capable.
Il est vrai aussi que les cinq artistes réunis par Constance Allard (soit, par ordre alphabétique, Sergio Birga †, Caroline Bouyer, Anne Charagnac, Frédéric Chaume et Corinne Lepeytre) trouvent des beautés aux chantiers de démolition ou de construction, aux infrastructures d’autoroutes, aux lampadaires, aux câbles électriques, aux rails, aux grues et aux pelleteuses qu’exècrent pour différentes raisons ceux qui sont contraints de les fréquenter visuellement et acoustiquement dans la réalité quotidienne.
Côté Birga, avec l’image de Chronos en couleurs (Cl. C. Allard)
Chez Birga, qui montre en linogravure la destruction des halles de Baltard, qu’il a pu observer lui-même à la différence de ses camarades de cimaise plus jeunes, il y a une dimension politique, et un sentiment nostalgique qui n’affecte que les petits vieux qui ont connu ce triste moment et qui s’interrogent sur l’acharnement des édiles à enlaidir les espaces dont ils ont la charge. Fort heureusement la fragilité des choses et des bâtisses récentes leur laisse un peu d’espoir.
La galerie, côté ouest (Cl. C. Allard)
Les jeunes émules du Florentin ont semble-t-il des ambitions différentes, comme de rendre compte d’un moment qui n’en finit pas, d’un provisoire qui dure. Aussi leur faut-il des points de vue plus larges et utiliser des techniques plus complexes, qu’il et elles maîtrisent parfaitement. Carborundum, aquatintes diverses, grattages, astuces d’encrage, rien ne leur échappe, le tout étant accompagné ou précédé d’une bonne exploitation de l’outil photographique et d’une grande qualité de dessin.
Autre vue de la galerie, côté ouest (Cl. C. Allard)
Travaillant dans des lieux et à des moments différents, il ne paraît pas qu’il y ait eu concertation entre ces artistes, qu’il s’agisse des sujets ou des manières de les traiter. On pourrait presque le croire, tellement l’unité se manifeste dans l’accrochage de la galerie. Cette belle rencontre non loin des travaux en voie de finition à Notre-Dame (de toute façon, à Paris, il y a toujours un chantier quelque part pas très loin), est à la fois une surprise et une réussite.
Maxime Préaud
1 – Le sens second est celui de « Rome », soit la Ville par excellence pour les Latins ; aussi, quand le pape délivre sa bénédiction « urbi et orbi », cela ne veut pas dire, comme le répètent à l’envi tous les journalistes, « à la ville et au monde », mais « à Rome et au reste du monde ».
nota bene : La galerie est ouverte de 14h à 18h, les mardis, mercredis et jeudis ; les vendredis et samedis sur rendez-vous. (contact@librairiesaintmichel.com)