« Underscape »

“Higashimyo 1”, xylogravure (Cl. Anne Paulus)

« Underscape »
Exposition d’Anne Paulus
Galerie Schumm-Braunstein
9 rue de Montmorency
75003 Paris
7 janvier au 27 février 2021

Poursuivant la présentation régulière du travail d’Anne Paulus, la Galerie Schumm-Braunstein a choisi de montrer ses dernières œuvres où gravures, céramiques et livres d’artiste dialoguent à travers une cartographie intime dans le cadre de la nouvelle exposition personnelle de l’artiste : « Underscape ».

On pourrait traduire ce titre par « sous la surface », « ce qu’il y a au-dessous ». Entrer dans le monde d’Anne Paulus c’est accéder à une multitude de cartes mystérieuses, de scanners en 3D qui permettraient de visualiser les enregistrements des battements de cœur de la Terre, ses mouvements intimes ou titanesques pour mieux nous révéler sa structure, les secrets de son fonctionnement. Une démarche tenue comme une expérimentation scientifique mais qui n’enlève rien à la magie de l’alchimie.

Les eaux-fortes et pointes sèches que l’on avait découvertes dans la série “Edge” (2012), par exemple, se retrouvent ici imprimées sur feutre, au dos des terres enfumées “Caput mortuum” (2020) dont le nom correspond à la couleur brun violacé obtenue par calcination du sulfate de fer. Ces derniers résidus d’oxyde de fer constituent les restes ultimes lorsqu’aucune transformation chimique n’est plus possible, matière inerte.

“Caput mortuum I”, céramique, eau-forte sur feutre
(Cl. Anne Paulus)

On se plonge avec délices dans les détails graphiques que le feu a créés sur les céramiques, noir de fumée et rouges oxydés se répondent dans une chorégraphie qui semble venir du fond des âges. Certains rouleaux de céramique, fendus par l’intensité du feu à la cuisson, sont retravaillés (grâce à l’intervention de Myriam Greff) suivant la technique japonaise Tintsugi, art de recoller les morceaux avec de la laque et du métal fondu, ici de l’étain, parce que se briser ce n’est pas disparaître mais se patiner, s’embellir de l’expérience d’une vie. Ces pièces côtoient d’autres céramiques d’une modernité absolue, réalisées dans une terre travaillée presque comme une porcelaine charnue, douce, sensuelle, mettant à nu les formes étranges que révèlerait la modélisation d’un enregistrement de la chaleur sous la surface de la Terre.

“Rouleau n°19”, terre enfumée, pit-fire, cirée, tintsugi
(Cl.  Benjamin Etchegaray)

Un encrage entre terre et feu qui dialogue comme une évidence avec les xylogravures sur papier Tosa gampi, inventaire des structures de tissus ou de vannerie très anciennes où l’usure des trames nous ramène en même temps à notre propre fragilité et à l’extraordinaire solidité de sa structure dont l’architecture reste un témoignage cartographié de ce qui a été.

L’art d’Anne Paulus est un art de la résistance, par sa capacité à s’ancrer dans le sol, elle peut atteindre la grâce comme dans le fado, l’œil noir et le sourire éclatant. Elle nous dit que le feu brûle tout mais qu’il solidifie la terre au passage, que l’acide ronge le métal mais que ce qui en reste peut-être la matrice d’une carte qui nous indique l’essentiel, elle nous montre ici ses cartes aux trésors, comme autant de points de réflexion qui jalonnent l’existence pour mieux la construire et résister aux assauts.

À ne pas rater, l’excellent texte de Michel Melot, historien et conservateur général des bibliothèques, auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire de l’estampe et des bibliothèques, qui nous livre une analyse du travail gravé d’Anne Paulus et du travail de céramique qui en découle pour mieux entrer dans son univers très personnel. Texte du catalogue spécialement édité par les éditions GSB pour cette exposition.

À voir aussi les documentaires de Benoit Falize : “Dans l’atelier d’Anne Paulus” (2020) et “Anne Paulus, Terre” (2021)

Nouveaux horaires d’ouverture du mardi au samedi de 12h à 17h et le dimanche de 14h30 à 17h30.

Christel Valentin