Triennale de Liège

« Réalité » de Catherine Laplanche (Cl. J.-M. Marandin)

La Triennale internationale de gravure contemporaine de Liège se tient dans le musée des beaux-arts de la ville – la Boverie – depuis le 29 novembre 2024 jusqu’au 16 mars 2025. Elle présente un vaste panorama de la création contemporaine utilisant une technique d’impression. On est frappé par la créativité technique des artistes sélectionnés qui multiplient les manières de fabriquer une matrice (en plus des techniques bien connues, on découvre, entre autres, l’alugraphie, l’électrographie, la linogravure au laser, etc. Étonnante aussi est la diversité des œuvres produites : estampe et livre bien sûr, mais aussi livre-sculpture, tableau mêlant impression et peinture, en deux ou trois dimensions, disposition et installation, objet divers, etc. Les techniques d’impression ne sont plus cantonnées à la fabrication et reproduction d’une image, mais interviennent à la racine et au cœur de l’œuvre : dans sa composition même. La composition de la plupart des œuvres, en effet, met en jeu ce que une matrice ou un nombre restreint de matrices rendent possible : la répétition, la superposition et la variation.

« Après la pluie » de Marie-Laure Guegen (Cl. J.-M. Marandin)

L’exposition est accrochée dans la vaste salle moderne du musée, construite sur pilotis et ouverte sur la Meuse et les arbres du parc. L’art imprimé quitte, enfin, les espaces confinés des cabinets des estampes et des dessins pour les cimaises habituellement dédiées à la peinture : les œuvres, même celles de petite dimension, respirent et l’accrochage est tel que des œuvres de facture et d’intention très diverses dialoguent. Il reste un mois pour visiter la Triennale ; la Boverie est à une dizaine de minutes à pied de la gare TGV de Liège-Guillemins.

 

« Eaux anonymes » de Camille Dufour (Cl. J.-M. Marandin)

Je joins les photos de trois œuvres qui m’ont particulièrement arrêté. La présentation de Eaux anonymes de Camille Dufour (artiste lauréate de la précédente édition en 2021) est saisissante. L’œuvre est constituée par les traces laissées par une performance-rituel dédiée aux migrants morts en Méditerranée : une matrice de bois au sol qui évoque une pierre tombale, une jonchée de pétales de fleurs qui ont permis l’impression des épreuves sur de grands panneaux qui flottent face à la Meuse. La disposition de Geneviève Laplanche, Réalité, est constituée de 42 linogravures obtenues par superposition d’un texte imprimé (la définition de « réalité »), de silhouettes de manifestants et d’un fragment de portement de croix de Alessandro Algardi (1598-1654). Enfin, la série Après la pluie de Marie-Laure Guegen représente des reflets sur les flaques d’eau dans les rues d’une ville anonyme. Je n’ai pu m’empêcher d’y voir une métaphore d’un des programmes du paradigme contemporain : la dissolution des formes dans le medium de leur représentation, ici une utilisation virtuose de l’eau-forte et de la pointe sèche.

Jean-Marie Marandin

Nota bene : On peut trouver des photos de l’accrochage général et d’autres œuvres sur ce site.