Traits d’union

Une vue de la salle et de la mezzanine du Vieux-Colombier
(Cl. Claude Bureau)

« Traits d’union »
Exposition de la « Jeune gravure contemporaine »
Mairie de Paris VIe
15 février au 8 mars 2025

En cette fin d’après midi après la foule du Grand-Palais, la rue et la place Saint-Sulpice paraissaient bien calmes. Les couloirs de la mairie de Paris VIe baignaient dans une douce torpeur administrative. Loin du brouhaha urbain, la salle du Vieux-Colombier au deuxième étage, éclairée par des lumières précises, accueillait quelques visiteurs silencieux et attentifs aux estampes qu’ils regardaient. Habituée des lieux l’association « La jeune gravure contemporaine » organise là l’édition 2025 de sa biennale. Le thème qui rassemble dans cette salle et sa mezzanine les quarante-deux sociétaires et leurs invités, s’intitule « Traits d’union ». Pour le faire vivre ou l’illustrer les artistes ont accroché côte à côte verticalement ou horizontalement – sauf Éric Fourmestraux qui les présentait en un retable que l’on pouvait ouvrir– trois estampes.

À l’issue d’un parcours attentif dans la salle et sur la mezzanine, les traits d’union de certaines présentations ne sont pas toujours visuellement évidents et méritent souvent une explication de texte donnée bien volontiers par les artistes de permanence. Toutefois, les liens entre chacun de ces triptyques peuvent s’expliciter aussi par les textes présents dans le catalogue conçu et réalisé par Julien Mélique. Dommage que ceux-ci ne se traduisent pas toujours visuellement d’évidence sur les murs. En revanche, trois bonnes et belles surprises se révélèrent pendant la visite.

Le triptyque d’Agnès Gauthier-Chartrette (Cl. Claude Bureau)

Les deux premières conçues par des habitués de longue date de cette manifestation, la troisième par une plus modeste sociétaire. « Traits d’union » d’Agnès Gauthier-Chartrette est la première surprise. Elle abandonne ici le tricot de ses tailles-douces pour la gouge du xylographe. Dans sa puissante gravure en noir et blanc à peine rehaussée d’un rouge au tampon, se retrouve un de ses sujets récurrents : entre les deux murailles d’une ruelle ou d’une rue que relient des fils suspendus, pendent des linges qu’on distingue à peine vus de près et qui prennent le vent quand on s’en éloigne.

Le diptyque de Nicolas Sochos (Cl. Claude Bureau)

La seconde est le diptyque de Nicolas Sochos « Sur le pont des Arts », vues parisiennes traditionnelles et pourtant : à gauche vu du quai Conti, le pont des Arts écorché d’où sourdent ses entrailles métalliques et au bout la cour carrée du Louvre où reposent d’immortels chef-d’œuvres ; à droite vu de l’autre rive, le pont toujours en travaux et l’Institut où siègent des Immortels dont les noms et les œuvres seront souvent oubliés quelques décennies plus tard ; parabole visuel sans doute de la difficile postérité de tous les ouvrages se réclamant de l’art.

Le triptyque de Line Sialelli (Cl. Claude Bureau)

Enfin, la troisième surprise est une verticale sombre et onirique : « Récupération de chaos 1-2-3 » de Line Sialelli où se mêlent des soubresauts telluriques, des cieux colériques et des villes tentaculaires. Ils dominent un petit personnage écrasé par ce chaos ; au-dessous, ce cauchemar encore inhabité ; au-dessus, le petit personnage sous une éclaircie, un enfer et un paradis peut être ? Une exposition donc à voir et à revoir d’autant plus que l’entrée en est libre et gratuite et que le catalogue est proposé pour la modique somme de cinq euros.

Claude Bureau