Synchronies invisibles

« Synchronies invisibles »
Fondation Taylor
1 rue La Bruyère
75009 Paris
du 5 au 28 septembre 2019

Fidèle à son goût pour les manifestations internationales, l’association « Graver Maintenant » a conçu, avec l’université Feevale de l’État de Rio Grande do Sul, un projet d’échanges France – Brésil dont le résultat est une singulière exposition.

Superbement installée dans l’atelier des quatrième et cinquième étages de la Fondation Taylor, Synchronies Invisibles intrigue le visiteur. S’il n’est pas averti, il sera sans doute troublé au premier abord, comme le suggère la première de couverture du catalogue.

Vue plongeante de l’atelier (Cl. Josiane Guillet)

L’accrochage propose des groupes de trois unités : une gravure encadrée (qui figure sur la « bonne page » du catalogue), une seconde gravure sans cadre, et un fragment de gravure dont on se rend assez vite compte qu’il est un extrait de la seconde. Le cartel indique d’abord le nom de l’artiste dont l’œuvre est encadrée, et, en dessous, celui de l’autre estampe. On s’interroge sur la raison d’être du fragment, puis germe l’idée qu’il y a un lien à découvrir entre l’œuvre encadrée et ce morceau d’estampe.

Le spectateur tente alors de reconstruire le parcours de l’artiste qui a reçu l’extrait original d’une gravure inconnue et en a fait, chacun à sa manière, le point de départ d’une nouvelle œuvre. La lecture des œuvres devient aussi stimulante que le défi représenté par ce carré dont on devine qu’il a pu susciter, après examen attentif et décryptage technique, perplexité, agacement ou enthousiasme chez le destinataire.

Trois des trente-deux œuvres accrochées (Cl. Josiane Guillet)

Se projeter dans le carré, chercher des indices et des correspondances, mobiliser son énergie créatrice pour être, parfois, entraîné loin des chemins habituels ; chacun des trente-deux artistes a rédigé un texte qui témoigne de son expérience. La Brésilienne Lurdi Blauth, initiatrice du projet, a repris la couleur, abandonnée depuis une décennie, en travaillant à partir de l’extrait de gravure de Dominique Moindraut. L’urubu de Clair de lune de Nara Amélia Melo da Silva entre en résonance avec l’image spéculaire d’Isabel Mouttet. L’estampe de Christine Gendre-Bergère, inspirée par le contexte champêtre d’Arlete Santarosa, dénonce l’usage mortifère des pesticides en détournant un tableau de Courbet. Michèle Atman s’attache au jeu du blanc et du noir de la Brésilienne Clara Bohrer pour exprimer sa propre dialectique du « blancgrisnoir ». Marinês Busetti adopte le carré de Pascale Simonet pour en faire le module de création d’une matrice complexe.

Le flou se dissipe progressivement dans le regard du visiteur, les liens apparaissent, les images se combinent, les synchronies se dévoilent (ou non) et la quatrième de couverture du catalogue, métaphore de la visite, devient alors lisible.

Josiane Guillet