Sous son pas…

Une vue d’ensemble de l’exposition (Cl. Pascale Simonet)

Exposition d’Anne Paulus
Galerie Schumm-Braunstein
9 rue de Montmorency 75003 Paris
au 23 novembre 2023 au 9 février 2024

« Mon pas dénoue
Le paysage feutré
Des voies »… Ou Anne, ses routes et ses mondes.

Anne Paulus depuis des années cherche à transcrire la trace du monde, de l’univers. Elle en inscrit d’abord la trace en imprimant sur des cartes papier, puis, plus tard, au dos de cartes anciennes toilées, à l’eau-forte sur acier ou au carborundum. Parallèlement, elle a dessiné ses propres cartes géographies imaginaires par des impressions sur papier ou feutre. Depuis plusieurs années elle accompagne son travail d’estampe de recherches en céramique. D’abord en perfectionnant la qualité plastique de terres enfumées, puis dernièrement en se plongeant dans les profondeurs, les transparences et le velouté de l’émaillage. En avançant sur cette voie de la terre, elle ne quitte pourtant pas son chemin d’estampe que l’on retrouve aussi dans de très beaux livres où s’imprime avec force et délicatesse cette constante volonté de transcrire la présence d’un univers infini.

« Écart I », livre d’artiste imprimé sur carte ancienne,
2023 (Cl. Anne Paulus)

L’exposition présentée à la Galerie Schumm-Braunstein laisse apparaître ce fort désir d’universalité dans une production très personnelle présentée dans un accrochage subtil et pertinent. Sont bien sûr présentées des estampes imprimées sur cartes ou sur feutre et des livres d’artiste. Mais ce qui attire le plus est cette collection de « Bi », forme circulaire percée en son centre, empruntée à la millénaire culture chinoise.

« Bi III », grès émaillé et estampe sur feutre,
diam. 32 cm, 2023 (Cl. Pascale Simonet)

Certains de ces « Bi » sont suspendus au mur de manière à laisser entrevoir la seconde face de l’œuvre pour qu’après s’être laissé happé par les formes sous-jacentes de la face apparente du « Bi », reste la conscience qu’autre chose encore était encore à voir… toujours plus loin dans ces Terræ Incognitæ.

Ces formes suspendues, plates, rondes, recouvertes d’un côté d’un émail soit laiteux où se jouent de multiples transparences soit noir et profond et de l’autre côté d’une impression sur feutre, donnent une folle envie de les toucher. Anticipant  ce désir, plusieurs de ces « Bi » sont présentés sur table dans des plateaux transparents qui laissent apparaître clairement les deux faces de l’œuvre, céramique et impression réunies. L’artiste et sa galeriste ont même prévenu cette attraction en permettant au visiteur de prendre en main cet objet afin de rentrer plus avant encore dans ce chemin de révélation d’un univers si vaste, de la transcription d’une émotion qui voudrait absorber le ciel, la terre et la vie dans leur entier.

Même si l’œuvre d’Anne se partage entre l’encre et la terre, il y a tant de cohérence dans ce travail. Dans les formes et les matières qui se répondent parfaitement mais surtout dans sa gestion si spécifique de l’espace, des rapports forts et subtils entre la matière et le vide que l’on retrouve dans toute sa production. Cette recherche sur l’espace, sur l’image dans l’espace, sur la place de l’espace dans l’image, était déjà très présente dans une série plus ancienne « Parole du pot vide / écho ». Ici la matérialité des «Bi» qui allie le poids de la terre et la légèreté laiteuse ou le sombre secret de l’émail en confrontation avec la transparence de chemins blancs ou gris tracés au carborandum sur les cartes entoilées marquées de leur vie passée laissent le regard dans une douce errance à la recherche de sa propre histoire.

« Intervalle bruissant I », eau-forte imprimée sur feutre,
120 x 78 cm, 2023 (Cl. Pascale Simonet)

Quelles que soient les œuvres présentées, Anne Paulus nous ouvre un univers où terre et ciel se relient et nous donne les clés d’un présent en lien avec un mystérieux passé. Le tout dans un travail de céramique et d’estampe d’une grande élégance.

Pascale Simonet