Séance solennelle
Institut de France
Académie des Beaux-arts
23 quai de Conti
75006 Paris
27 novembre 2019
Roulements des tambours de la Garde républicaine : les académiciens prennent place sous la Coupole, l’assistance nombreuse s’étant levée. Au pupitre, les trois grandes personnalités de l’Académie des Beaux-arts : le président, Pierre Carron ; le vice-président, Jean Anguera et le secrétaire perpétuel, Laurent Petitgirard. La séance solennelle, ouverte par le président, commence par “Souvenons-nous”, hommage aux membres disparus, les mois passés, de l’Académie, une évocation ponctuée en final d’une minute de silence, dans le respect d’un auditoire debout. Bel intermède musical, ensuite, avec la maîtrise de l’Opéra de Lyon, lauréate avec ses jeunes chanteurs du prix Liliane Bettancourt pour le chant choral et dirigée par Karine Locatelli, qui précède l’énumération des missions de l’Académie des Beaux-arts – l’une des cinq académies qui composent l’Institut de France – par le secrétaire perpétuel : « L’une des missions de l’Académie des Beaux-arts est de distinguer l’apparition de nouveaux talents dans toutes les disciplines artistiques au moyen de prix qu’elle accorde grâce à la générosité de donateurs qui lui font confiance. Il nous appartient également de saluer le parcours de créateurs de toutes nationalités ayant déjà réalisé une œuvre marquante. Cette cérémonie de remise de prix, que nous voulons vivante au travers des œuvres musicales interprétées est l’occasion de rencontres entre ces diverses générations d’artistes, ce qui est également cas dans notre Académie où 55 années séparent notre benjamin de notre doyen. Aux côtés de nos autres missions, de la gestion de notre patrimoine, de résidences d’artistes, de conseil de l’État en matière culturelle ou encore de soutien à des artistes en difficulté, l’attribution des prix est un moment joyeux qui témoigne de l’espoir que nous plaçons dans tous ces nouveaux talents et de la reconnaissance que nous avons envers les grands créateurs de notre temps. »
La Maîtrise de l’Opéra de Lyon (Cl. Maïté Robin)
En témoignage, l’annonce du palmarès des prix et concours fort d’une quarantaine de récompenses. Les nominés sont alors appelés et accueillis par le vice-président pour la remise des diplômes. Nous nous bornerons bien sûr à la gravure. Avec le Prix Pierre Cardin attribué à Arnaud Rochard, un artiste breton qui vit à Bruxelles et dont la force évocatrice des œuvres gravées est née d’un imaginaire qui trouve son inspiration dans un univers fantasmagorique empreint de violence, – interprétation d’une humanité qui se révèle, depuis la nuit des temps, cruelle et sombre – Il concrétise son inspiration profonde dans le travail incisif des tailles de la matière : bois ou métal (eau-forte et aquatinte). Un graveur qui interpelle. Le prix Mario Avati à Jenny Robinson, une artiste anglaise installée à San Francisco, dont le regard scrute sans concession l’environnement urbain, de l’architecture aux infrastructures, au travers de leur caractère fragile ou éphémère. Son support matriciel, de grand format, est principalement celui du carton ou de l’aluminium gravé à la pointe sèche, qu’elle encre avec des produits non toxiques et imprime sur Japon Gampi ou Shiramine. Une graveuse qui aussi interroge.
Signalons la mention décernée à María Chillón, dans le cadre du Prix de dessin Pierre David-Weill. On la sait graveuse de cœur, à l’aise dans la taille du métal au burin, qui sous son doigté est libre et sensible. Une discipline qu’elle transpose graphiquement à la mine de plomb et pour lequel elle est ici distinguée.
Coupant le palmarès, un bel interlude fut interprété par l’Orchestre de Picardie, – Orchestre national en Région Hauts de France -, dont le directeur musical est Arie Van Beek, mais sous la direction de Laurent Petitgirard.
La remise du prix Jean Lurçat (Cl. Maîté Robin)
Suivra la deuxième partie de la remise des récompenses, avec le prix Jean Lurçat, dédié à un ouvrage de bibliophilie. Il sera remis à Sylvie Abélanet, artiste peintre-graveuse, fondatrice de l’Atelier municipal d’arts plastiques Pierre Soulages à Charenton-le-Pont. Cette récompense lui est accordée pour le livre d’artiste “Le Cantique des Oiseaux”, illustré de sept eaux-fortes à l’aquatinte, sur une poésie du Persan Farīd od-Dīn Attār [≈1142 – 1190-1229], quête mystique dont sept poèmes ont été choisis, traduits et versifiés par Leili Anvar. Au travers d’une interprétation graphique toute personnelle de l’artiste, un bien bel ouvrage, dont elle dira (citée par Marie Akar dans Art et Métiers du Livre n° 335) que le texte, qui l’a inspiré et porté, « représente la recherche du moi profond, l’élévation de l’âme ». Elle n’a pas démérité. Un Prix d’encouragement sera décerné en final à Emmanuelle Aussedat, créatrice de l’atelier de lithographie “La Bête à Cornes”, à Paris, et auteure de nombreuses lithographies (et peintures). Des représentations où lignes et aplats de noir ou de teinte s’établissent avec harmonie dans l’espace pour générer des abstractions picturales souvent lyriques.
On le voit, l’estampe était bien représentée lors de cette séance solennelle 2019 de l’Académie des beaux-arts.
“La vallée de la plénitude” (Cl. René Brassart)
Une soirée d’extrême qualité, clôturée musicalement par l’Orchestre de Picardie, sous la conduite de Laurent Petitgirard, puis par la présentation par le secrétaire perpétuel des péripéties de l’édification du Centre national des arts du spectacle de Pékin, par l’académicien Paul Andreu [1938 – 2018].
La sortie de la Coupole entre la double haie des gardes républicains, sabres au clair, est toujours impressionnante. Un cocktail permettait la rencontre de personnalités de la gravure comme Érik Desmazières et Claude-Jean Darmon, et d’artistes primés comme Sylvie Abélanet avec qui ce fut un plaisir d’échanger des impressions…
Gérard Robin