Sergio Birga, Le Technocrate, linogravure, 1961, 190 x 120 mm
(Cl. Laurence Paton)
« Sergio Birga -De l’étrangeté du monde »
Xylographies et eaux-fortes
Galerie Saphir, 69 rue du Temple 75003 Paris
10décembre 2024 au 12 janvier 2025
tous les jours de13h à 19h
Regarder les gravures de Sergio Birga (1940-2021), exposées avec quelques peintures à la galerie Saphir à l’occasion de la sortie du catalogue raisonné « Estampes »1 de son œuvre, donne l’occasion de se replonger dans l’histoire récente, pré et post-soixante-huitarde, notamment de Paris. Quitte à inventer des récits et prendre des libertés avec la chronologie : ce technocrate à la mine carnassière linogravé par l’artiste n’est-il pas en train de planifier, avec plus de dix ans d’avance, la destruction des Halles, et leur remplacement par un univers désespérément bétonné ? Le militaire bardé de cicatrices et de décorations qui complète ce diptyque (« Technocrate et Militaire », 1961, linogravures, 190 x 120 mm chacune) ne va-t-il pas faire donner la troupe pour écraser jusqu’au dernier les opposants à ce projet et rétablir l’ordre ? Sous la gouge ou le ciseau de l’artiste, resurgit dans sa force et son bouillonnement toute une époque.
Sergio Birga, « Le Militaire », linogravure, 1961, 190 x 120 mm
(Cl. Laurence Paton)
De la démolition des Halles, abondamment documentée par l’artiste (1973-1976) à la Covid 19, Sergio Birga, né à Florence et Parisien d’adoption, est un témoin particulièrement sensible aux événements et tragédies du monde. « Le style coloré et violent des expressionnistes allemands » qu’il a découvert très tôt « convient bien », explique son biographe dans le catalogue raisonné, « à son état d’esprit, révolté contre famille et société ». Révolte non seulement sociale et politique, mais également métaphysique et existentielle, comme le montrent les nombreuses estampes dédiées à Kafka —portrait de l’écrivain et illustration de ses écrits— ainsi que les autoportraits souvent torturés qui jalonnent toute l’œuvre du peintre-graveur. Quelques eaux-fortes, effectuées généralement dans ses jeunes années, apportent par leur style tout en finesse, plus que par leur contenu souvent sombre, un contrepoint de douceur.
Laurence Paton
1 – « Sergio Birga, Estampes », catalogue raisonné établi par Annie Birga et Maxime Préaud, préface de Maxime Préaud, , mise en pages Vincent Pinault, contributions de Clémence Gaboriau, juin 2024, APAG, 20 €