Figures du siècle de Louis XIV
Portraits gravés de Robert Nanteuil
(ca. 1623-1678)
Musée de Condé
Château de Chantilly
60500 Chantilly
19 octobre 2019 – 23 février 2020
Il reste à peu près trois semaines aux amateurs de portraits et de la belle estampe gravée au burin pour profiter de l’exposition Nanteuil proposée par le musée Condé au château de Chantilly. Il ne devrait pas être nécessaire de présenter aux graveurs d’aujourd’hui Robert Nanteuil, tant celui-ci a magnifié le portrait en même temps que le siècle du jeune Louis XIV. Accompagné de la faveur du roi, lequel posa pour lui, rare privilège, à plusieurs reprises, il joua un rôle non négligeable dans la mise en fome de l’édit de Saint-Jean-de-Luz, qui, signé le 26 mai 1660, affirme la gravure comme un métier libre, ainsi que le rappelle annuellement, aujourd’hui, la Fête de l’estampe lancée naguère et coordonnée par Manifestampe.
Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) par Robert Nanteuil (vers 1623-1678), pastel, musée Condé, Chantilly ©RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly
Auteur de plus de deux cents portaits gravés, dans neuf cas sur dix « au vif » (ad vivum) d’après son propre dessin puis son propre pastel dès qu’il s’est engagé dans le portrait de grand format, « fort comme nature », cet habile homme nous renvoie une passionnante image de la société de son temps. Louis XIV, Mazarin, Colbert, Fouquet ou Condé, tous ces personnages qui hantent nos manuels scolaires et nos romans historiques vivent et conversent sous nos yeux. Nanteuil était en outre un artiste sympathique, bon vivant et joyeux causeur ; toujours bien intentionné, il savait amuser ses modèles quand ils posaient pour lui et les saisir au moment même où leur œil pétillait. Ainsi voit-on le grand Condé presque beau dans son acuité et surgir l’esquisse d’un sourire sur le visage épuisé de Colbert, tandis que, sans perdre aucunement de sa majesté, Louis nous paraît quasiment aimable, voire sensible.
Portrait au burin de Jean-Baptiste Colbert
en contrepartie du précédent, 1676, 48 x 40 cm
(épr. BnF par commodité, cl. M. P.)
Tout cela vient de l’intelligence de l’artiste, de sa science infinie de la direction, de la brièveté, de la longueur, de la souplesse et de la répartition des tailles que son burin creuse dans le cuivre, l’esprit toutefois sans cesse à la recherche de l’harmonie, avec la conscience que le travail ne suffit pas à lui seul. « Le temps et la peine, dit-il, ne font pas tant les beaux ouvrages que la bonne humeur et l’intelligence ». Méditons cette pensée, amis graveurs.
L’exposition présente une cinquantaine de pièces, souvent dans de magnifiques épreuves parfaitement imprimées et bien conservées dans les collections du musée constituées par le duc d’Aumale (1822-1897), un des fils de Louis-Philippe. Un intéressant pastel du portrait de Monsieur, frère du roi, attribué pour la première fois à Nanteuil, figure également sur les cimaises, prêté par l’abbaye de Chaalis.
L’exposition est accompagnée d’un joli catalogue rédigé par Audrey Adamczak, docteur de l’université Paris – Sorbonne, chargée d’enseignement en histoire de l’art, Institut catholique de Paris, et Nicole Garnier-Pelle, conservateur général du Patrimoine chargée du musée Condé, publié aux éditions Faton, 96 pages, 19,50 € (coll. Les Cahiers de Chantilly 9).
Rappelons aux amateurs que les Poèmes et Maximes de Robert Nanteuil ont été rassemblés par Rémi Mathis, Paris, Comité national de l’estampe, 2016, 1 vol. (24 p.), ill. ; 27 cm (Après la lettre ; 2)
Maxime Préaud