Prix René Carcan

« Note From Space with cadmium red 1 » de Marta Tomczyk
(Cl. Espace René Carcan)

Ce prix international de gravure René Carcan est décerné tous les deux ans. Pour son édition 2024, la sixième, le jury a choisi ses lauréats entre vingt-six artistes sélectionnés. Leurs estampes sont exposées jusqu’au 6 mars 2024 à la Wittockiana au 22 rue du Bemel à Bruxelles. Cependant, pour tous ceux qui n’ont pas la possibilité de se déplacer en Belgique, les organisateurs du prix offrent en libre service sur Internet un catalogue1 de très grande qualité où figurent quatre reproductions des estampes des quatre lauréats et une reproduction d’une estampe des vingt-deux autres artistes sélectionnés. Ce sixième catalogue permet donc de découvrir sans se déplacer de nouveaux talents de graveurs, il s’agit-là d’une des vertus de l’Internet.

Il est à souligner que le titre en français choisi par les organisateurs : « Prix international de gravure René Carcan », impliquerait que celui-ci récompense des estampes réalisées à partir de matrice matériellement gravée. Acception stricte du mot gravure dont le public francophone étend souvent l’usage à l’ensemble des estampes. Cependant sont admises ici quelques exceptions comme la lithographie, la sérigraphie et le monotype, toutes techniques à plat sans matrice gravée. Toutefois, semble-t-il, le jury est resté fidèle au titre de ce prix car parmi les vingt-six estampes des artistes sélectionnés seules trois estampes relèvent de la sérigraphie et du monotype, des exceptions donc.

« Spain – Morocco Border Barrier » de Pamela Doods
(Cl. Espace René Carcan)

Les estampes lauréates sont toutes des gravures à proprement parler. Pourtant, en dépit d’esprits chagrins, elles demeurent contemporaines. Elles forment un ensemble, malgré des manières très diverses, que l’on pourrait intitulé : la gravure témoin de son temps. Celles de la lauréate du Prix international René Carcan, la Polonaise Marta Tomczyk sembleraient s’échapper de cette dénomination tant elle épargne si peu le bois des matrices qui les ont fait naître. La surface du papier blanc domine abondamment, très simplement ponctuée d’un rouge nostalgique, là où en quelques traits noirs expressifs des bovins épars paissent. Elles sembleraient évoquer l’art rupestre de civilisations bucoliques toutes disparues aujourd’hui. A l’inverse et presque à l’opposé, les linogravures expressionnistes du Belge Sylvain Bureau, Prix du public, où ses traits blancs s’éparpillent sur un noir profond, dénoncent les apprentis sorciers d’aujourd’hui.

 

« The Blocks of War No.16 » de Jaco Putker (Cl. Espace René Carcan)

Toutes aussi directement critiques les estampes de la première mention, Prix Roger Dewint, et de la deuxième mention s’attachent au tragique contemporain : la guerre et les conflits des empires. Dans des ambiances sombres, le Hollandais Jaco Putker met en scène les fantômes carnivores des antiques jeux « Pac-Man » de la préhistoire des micro-ordinateurs. Robots numériques devenus des engins de destruction et de mort sous les espèces de drones diaboliques. Dans les nuances de tendres gris de ses xylographies, la Canadienne Pamela Doods décrit sobrement quelques uns des barrages qui s’érigent aux frontières des empires désespérants comme le firent naguère le mur d’Hadrien, les limes, la grande muraille de Chine ou le mur de Berlin. Toutes ces estampes sont réunies à Bruxelles comme preuves que la gravure sous ses manières et techniques traditionnelles demeurent encore universellement très contemporaine.

Claude Bureau

1Pour voir ce catalogue, cliquez ici.