Petite odyssée

« Reci » de Jérémie Salomon, rizographie (Cl. Galerie Jahidi)

Toujours en quête d’estampes à regarder, par les temps moroses que nous traversons, le réseau Internet, malgré les réticences et les précautions exprimées dans mon précédent écho, présente pour cela quelques ressources à ne pas négliger. Armé du fouet d’Indiana Jones et de la ruse d’Ulysse, il est vivement conseillé d’entreprendre une telle navigation afin d’emplir les longues soirées d’hiver pendant le deuxième couvre-feu.

Le site de Manifestampe offre, dans la liste de ses membres qui ont adhéré à la fédération, plus de cinq cents môles d’embarquement vers des sites dédiés à l’estampe. Ici, le navigateur novice se trouve confronté à l’embarras de choix délicats car, quelquefois, le début du voyage le mène vers quelques liens brisés ou bien vers la fatidique erreur 404 (la page que vous demandez n’est pas disponible…), tous récifs redoutés des marins chevronnés. Malgré ces aléas peu nombreux, dus à un défaut de mise à jour par le propriétaire négligent du môle, une petite odyssée bien choisie s’avère passionnante et capable de peupler la tête de nombreux imagos de belle estampe.

Dans le livre de bord de ce périple, on peut signaler quelques pages qui offrent sans parcimonie de quoi rassasier les regards. Celles ouvertes par les galeries sont les plus abondantes d’imagos toujours traités avec le respect qui se doit. En voici quatre d’entre elles avec, en bonus, une bouteille jetée à la mer.

La plus vénérable mais néanmoins très active a été fondée en 1881. Dénommée maintenant Galerie Sagot-Le Garrec, elle est dirigée par Nicolas Romand. Sise au quartier Latin à Paris, elle possède un fonds très important d’estampes patrimoniales, modernes et contemporaines dont la visite vaut, comme on écrit dans le guide pneumatique, le détour.

« Blés primitifs en Velay » d’André Jacquemin
(Cl. Galerie Sagot-Le Garrec)

Une parmi les plus jeunes galeries a été ouverte en 2012 par Ghizlaine Jahidi, qu’elle a dénommée simplement Galerie Jahidi. Celle-ci s’attache à promouvoir de jeunes artistes stampassins qui se lancent dans l’exploration, hors des sentiers battus, de ce médium qu’est l’estampe. Quand on y accoste, on se réserve bien des surprises.

La troisième, plus pluridisciplinaire, consacre une large part de son fonds à l’estampe et aux livres d’artiste que l’on peut découvrir sur son stand au Salon Page(s) quand il reprendra sa course. Dirigée par Évelyne Schumm-Braunstein, cette galerie éponyme promeut des artistes qui ne sont pas stampassins première langue. Ainsi, perçoit-on ici les différentes facettes expressives dont usent certains que l’on connaissait seulement comme stampassines ou stampassins. Une escale à partir de ce môle s’impose.

« Nudo » de María Chíllon, burin (Cl. Galerie Schumm-Braunstein)

Hasard des fortunes de mer, une galerie d’outre-Atlantique et même d’outre-Pacifique mérite plus qu’un détour. Il s’agit de The Annex Galleries, étatsunienne fondée il y a cinquante ans en Californie. Dotée d’un fonds considérable, elle se consacre aux estampes du monde entier et du XIXe, XXe et XXIe siècles avec une prédominance pour son fonds américain. Chaque estampe répertoriée dans ses pages, en deux formats d’imago, bénéficie d’une notice circonstanciée et exhaustive et pour de nombreux artistes d’une courte biographie. On peut appeler sur nos écrans ces estampes par technique, par artiste ou par continent. Une escale qu’il faut garder précieusement dans la mémoire de nos portulans.

Enfin, comment ne pas conclure sur la bouteille à la mer qui vient de s’échouer sur la plage de nos écrans. Celle de l’exposition virtuelle du Salon d’automne 2020 qui devait se tenir les 17 et 18 octobre 2020 et qui a été annulé à cause de Confinement II. Dans sa section Gravure, on peut y admirer un imago de chacun des trente-six exposants ainsi que celui d’un hommage à Jacques Houplain (1920-2020). Mais il vaut mieux pour y naviguer se munir d’une embarcation du dernier cri, reliée à un réseau qui ne soit pas cacochyme. Bon vent alors dans toutes ces odyssées stampassines où il est nécessaire de bien choisir ses cartes afin de tracer ses propres routes dont celle publiée ici veut rester un simple choix personnel parmi toutes les possibles.

Claude Bureau