Page(s) vingt-deuxième

Salon Page(s) 2019
Palais de la femme
94 rue de Charonne
75011 Paris
22 au 24 novembre 2019

Depuis 1996, le salon annuel du livre d’artiste « Page(s) » a connu bien des pérégrinations parisiennes : de la place d’Italie au quai d’Austerlitz, de la rue de Charenton à la rue de Charonne ou, pour son édition de printemps, du cloître du lycée Henry IV à Bastille design center. Au cours de celles-ci, il a acquis une notoriété nationale et internationale que nul ne lui contestera. Le livre d’artiste ou de bibliographie contemporaine ne tolère aucune médiocrité dans tout ce qui compose cet objet : papier, typographie, image, reliure, emboîtage, etc. La maîtrise des techniques de l’estampe et du livre, des plus traditionnelles aux plus récentes dites numériques, est le gage de la qualité de ces œuvres d’art en édition limitée. Elle en constitue la valeur et le prix. À « Page(s) » cette qualité est toujours au rendez-vous dans une abondance et une diversité d’expressions très originales.

Une vue du salon (Cl. Claude Bureau)

Quatre-vingt deux éditeurs et ateliers se pressaient donc en ce week-end de novembre 2019, dans le grand réfectoire du Palais de la femme de l’Armée du salut, sis rue de Charonne, pour accueillir un public nombreux composé de bibliophiles, de bibliothécaires – auxquels ce salon s’adresse en cœur de cible – et d’autres : artistes, amateurs d’art ou simples curieux qui venaient admirer ou acquérir toutes ces merveilles. Devant tant d’abondance (si l’on compte, au minimum, une dizaine de titres par exposant, il y avait sans doute plus d’un millier d’ouvrages à regarder et à compulser….), ce public avait donc l’embarras du choix, dans un régal des yeux et de l’imagination, accompagné toujours par un dialogue fructueux et chaleureux entre l’éditeur ou l’artiste exposant.

Impossible d’en établir un compte rendu exhaustif. Au risque de fâcher tous les autres, voici pourtant quelques uns qui m’ont le plus marqué au cours de ma visite. « La cour pavée » proposait deux livrets dans un emboîtage gris-bleu foncé, « Sur les hauteurs de l’Altaï » de Jacqueline Ricard, évoquant le chamanisme avec des estampes grises imprimées sur un papier noir. Claire Illouz développait sur sa table un petit livre en accordéon « La collection » où se déployait, sans parole, tout un bric à brac d’un immense grenier propice à la rêverie. Aussi avec un livre déplié en accordéon, Ghislaine Escande et Gilbert lascault invitaient le visiteur sur « La route de l’arpenteur » en une mosaïque de cartographies colorées dont le colophon précise : « impression numérique pigmentaire sur papier Hahnemühle photo rag 188 g ». Marjon Mudde offrait à la vente un exemplaire unique d’un livre-objet où se cachaient des complications toutes helvétiques : « Endymion », inspiré de l’extrait d’un poème de Marguerite Yourcenar. Enfin, Veronika Shäpers manipulait des ouvrages totalement originaux, composés de matériaux synthétiques et traditionnels, qui jouaient de typographies évanescentes ou transparentes sur des papiers souples savamment pliés, tous objets d’aspect très Bauhaus ou janséniste à la finition impeccable. Parmi ceux-ci, un coffre plat, menuisé carré, en bois clair, contenant des feuilles de papier japon souples et transparentes sur chacune desquelles, en leur centre, était reproduit, en ligne clair et en encre argentée, le couvre-chef significatif d’une religion.

Un autre parcours dans la foule des allées aurait peut-être changé cette courte liste toute personnelle, il appartient maintenant à chacun des visiteurs, qui ne manqueront pas les prochaines éditions de « Page(s) », d’en dresser la leur, au gré de leurs affinités esthétiques.

Claude Bureau