Métamorphose du vide

« La taille d’épargne
Métamorphose du vide »
Exposition de Graver Maintenant
19 janvier – 17 février 2019
Salons d’exposition de l’hôtel de ville
8E av Charles de Gaulle
785170 La Celle Saint-Cloud

Les artistes de l’association Graver Maintenant et leurs invités, dont deux graveurs brésiliens, présentent leurs œuvres dans une exposition consacrée à la taille d’épargne dont le sous-titre ambitieux, «métamorphose du vide», interroge le visiteur. Dans la vaste salle principale d’exposition de l’hôtel de ville de La Celle Saint-Cloud et dans les trois salles adjacentes, chaque artiste bénéficie d’un large espace mural ou volumétrique. Le déploiement des œuvres est servi par une scénographie habile soulignée par un remarquable travail d’éclairage.

Une vue de l’exposition (Cl. Claude Bureau)

La taille d’épargne consistant à creuser la matrice, à retirer de la matière, à créer du vide, quelles métamorphoses du vide l’artiste rend-il sensibles ? Le défi qui est proposé ici est, en somme, l’exploration du vide. «Il me semble toujours que le vide n’existe pas vraiment», dit à sa Mère-grand l’enfant du conte écrit par Michèle Atman en guise de cartel, «si tu fixes attentivement une surface blanche, tu peux y voir une multitude de choses qui n’attendaient, en embuscade, que notre regard pour se révéler».

En est-il ainsi de l’espace blanc flexible contenu entre les deux gravures linéaires de Brigitte Pazot ? Du noir que suggèrent les «Trois-quarts» de Dominique Aliadière ? Du gouffre marin rougi du sang des migrants, dont chaque bouteille en hors-champ contient un message paradoxal, de l’œuvre que signe Ana Sartori ? Des harmonies roses et orangées des estampes sculptures (textiles, papiers, gaufrages) présentées par Marie-Noëlle Deverre ? Des surfaces moirées délimitées par les architectures de Rosa Burdeos ? Ou des cercles bleus de dentelle d’un univers féminin dont la mémoire s’efface doucement, dans le travail de Sophie Domont ?

L’œuvre d’Ana Sartori (Cl. Alain Cazalis)

Mais, revenons à notre conte : «…ce fichu vide, c’est un caméléon qui prend les couleurs ambiantes pour s’y fondre et leurrer son monde». S’il ne s’agit pas toujours d’un leurre, il s’agit pour chaque artiste d’orchestrer une disparition et de jouer sur la rémanence pour mettre au jour ce qui lui importe. Le vestige du panier tressé japonais d’Anne Paulus, les traces du Catalogue des Catalogues de Pascale Simonet, le geste révélateur et la poussière de bois qui «redonnent corps» aux enfants juifs déportés de l’école Vicq d’Azir (Eric Fourmestraux) : autant de signes d’une volonté de sauver de l’anéantissement. Comme la «re-pousse» possible des branches d’Antonio Augusto Bueno, le végétal «barrière à la folie humaine» des estampes d’Isabelle Béraut, les images d’Alain Cazalis qui débordent du cadre pour s’installer en pyramide de boîtes vides et en accumulation de déchets dénonciateurs, le vide se métamorphose en signes pleins porteurs de sens et de messages.

Le catalogue de Pascale Simonet (Cl. Alain Cazalis)

Le visiteur attentif de cette manifestation riche d’œuvres variées, complexes et originales, se trouve confronté à l’un des fondements mystérieux de la création plastique, la question du vide et du plein.

Josiane Guillet

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