Lise Follier-Morales

Exposition Itinéraires 1982-2024
Château des Comtes du Perche
Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir)
du 5 avril au 21 septembre 2025

Il s’agit ici d’une sorte de rétrospective de l’œuvre graphique de Lise Follier-Morales. Mais une rétrospective bien partielle, car cet ensemble de quelque cent-vingt pièces est une sélection plutôt sévère d’un travail multiforme commencé il y a plus de quarante ans.

L’artiste s’est essayée à la plupart des techniques classiques, y compris le burin. Mais elle a aussi tenté le carborundum, et même le carton, dont sont présentés ici quelques témoignages. Toutefois la manière qui l’a véritablement passionnée est celle de la taille d’épargne, qui lui permet d’utiliser au mieux ses talents innés de coloriste, qu’elle exprime également dans ses travaux au pastel ou à la gouache dont on voit ici quelques exemples.

Transparences (Cl. A. Morales)

Si la linogravure en plusieurs planches n’a pas de secret pour elle, c’est surtout le travail à la planche perdue qui a suscité son enthousiasme et provoque l’admiration du visiteur, lequel ne peut qu’être épaté par la subtilité de ses réalisations, même s’il ne se rend pas toujours compte du talent et de la rigueur qu’exige la multiplication des passages de la même planche sous la presse, parfois jusqu’à quinze. Ceux qui en ont expérimenté la difficulté comprendront de quoi je parle.

Lise a été très inspirée par le papier dominoté, notamment à la suite de la publication en 2012 d’un magnifique livre sur le sujet par les éditions des Cendres1. Elle s’est donc lancée dans la dominoterie, avec succès, en améliorant considérablement le procédé, qui bénéficie maintenant d’une appellation nouvelle dans le vocabulaire technique de l’estampe, la dominographie. Elle avait réalisé, dès 2013, une belle exposition sur ce thème « De la dominoterie à la dominographie » à la bibliothèque municipale du Mans.

Bien qu’ayant quitté enfant sa Corée natale pour vivre en France (à Nogent-le-Rotrou comme par hasard, bien avant Paris), il semble que, si elle en a oublié la langue, tout ce qui est image chez elle la ramène à ses origines asiatiques, dans sa manière d’observer, d’imaginer et de représenter, l’œil suraigu sous la paupière légèrement bridée. Aussi n’est-on presque pas surpris de la voir faire rimer domino et kimono.

Dominos et kimonos (Cl. A. Morales)

Ainsi se justifie en partie le titre de l’exposition, « Itinéraires », ou allers et retours entre le IIe arrondissement de Paris, les villes de Séoul ou de Tokyo brillamment illuminées, le Japon enrichi de plusieurs vues du Mont Fuji qui rivalisent respectueusement avec les estampes de Hokusai, en s’arrêtant au passage pour caresser du regard et du pinceau une pomme, une poire et tout un bouquet de fleurs diverses.

Quelques vues du Mont Fuji (Cl. A. Morales)

Un petit catalogue (5 €), joliment illustré, accompagne le visiteur qui le souhaite, précédé de propos des édiles nogentais et d’une préface de Séverine Lepape, directrice du Musée national du Moyen Âge – Thermes et Hôtel de Cluny. L’exposition se tient dans les salles du musée de l’Histoire du Perche, installé dans le château des Comtes du Perche, belle bâtisse (naguère château Saint-Jean).

Maxime Préaud

1 – Marc Kopylov, « Papiers dominotés français ou L’art de revêtir d’éphémères couvertures colorées : livres & brochures entre 1750 et 1820 » ; avant-propos d’André Jammes, [Paris], Éd. des Cendres, 2012, 1 vol. (404 p.), ill. en coul. C’est ici l’occasion de mentionner une très belle exposition sur le sujet qui s’est tenue cet hiver à la bibliothèque patrimoniale de Rouen. Il n’y a pas de catalogue, mais on peut lire un long entretien avec le responsable de l’exposition, Michaël Monnier, « Éphémères couvertures de papier », dans le n° 366 (janvier-février 2025) d’Art et métiers du livre, p. 44-51, bien illustré.