Les yeux fermés

Galerie Schumm-Braunstein
9 rue de Montmorency
75003 Paris
17 mai au 6 juillet 2019

Cette galerie s’efforce, dans ses expositions, de faire connaître au public les multiples aspects créatifs des artistes qu’elle promeut, dans le dessin, la peinture, la sculpture, l’estampe, l’édition et la vidéo. Toutefois, rédiger un “Vu… pour vous” sur “Les yeux fermés” peut sembler incongru, comme il reste paradoxal d’intituler de ce titre une présentation consacrée à des arts faisant essentiellement appel à la vision quoique la vidéo s’accompagne-t-elle souvent d’une piste sonore.

Pourtant, cette exposition, qui s’inscrit dans le cadre de la Fête de l’estampe 2019, est l’occasion de découvrir les autres talents d’artistes dont on connaît mieux par ailleurs leurs estampes qui s’inscrivent ainsi dans une démarche artistique plus globale. Évelyne Schumm-Braunstein, en bon passeur bienveillante vis à vis des visiteurs, donne sur chacun les lumières nécessaires pour suivre, les yeux fermés, les parcours que chacun des artistes présents propose.

Le carton d’invitation (Cl. Claude Bureau)

Par exemple, Éric Fourmestraux, qui s’est particulièrement pris au jeu de ce thème, dans une série de quatre estampes : “10/10“, “A comme acuité“, “Moitié-moitié” et “15-20“, narre, sous la forme d’un rébus, une mésaventure toute personnelle. Et, plus mystérieusement, dans deux boîtes à fromage “Mont d’or“, il a coulé, doré sur tranche, le moulage presque mortuaire de son visage  paupières closes ; tels de futurs lares portables avec leur couvercle ? Anne Paulus, dont on connaît la discrétion, a, elle, dissimulé sous d’épais rectangles de feutre écru, les matrices des ses deux estampes : “Shofukuji” et “Sannai Marayuma” dont on peut, sous cette couverture, suivre les creux et les reliefs épargnés les yeux clos. Chantalpetit allume derrière la devanture une sorte d’anémone de mer en verre dont les tentacules composées de doigts papillonnants font écho à une vidéo tintinnabulante. Enfin, Maria Chilloñ offre à la vente : “Then“, une boîte noire scellée à la cire où le couvercle de verre laisse apparaître un rouleau de papier japon de trois mètres de long sur dix-neuf centimètres de large dont on entraperçoit seulement une trentaine de centimètres ; le reste étant enroulé sur deux mandrins de bois de part et d’autre. Sur cette portion visible, un tendre et subtil dessin à la mine de plomb se déploie. Cette œuvre est à acheter les yeux fermés, car, seul l’acheteur pourra, s’il le désire, briser le sceau et admirer, peut-être, les deux cent soixante-dix centimètres du dessin celés à nos regards. Quelle tentation !

À visiter les yeux ouverts dans cette galerie jusqu’au 6 juillet 2019 ou à la soirée finale, le 4 juillet 2019 où seront captés, paraît-il, tous les regards.

Claude Bureau