“Fil de soi” rétrospective de Francine Minvieille
17 au 28 juillet 2023
Salle des Sapinettes 17450 Fouras-Les-Bains
Le titre donné à une exposition rétrospective, surtout si l’artiste lui-même préside à son agencement, est un bon révélateur de sa personnalité. Celui choisi par Francine Minvielle, allusif aux Parques de la mythologie grecque et ludique par homonymie, déroule le destin de cette gentille et affable bourlingueuse aux quatre coins du monde qui a posé ses pénates aux rivages maritimes charentais depuis dix ans. Ce fil elle le débobine de la mémoire de son père, rescapé d’un camp d’extermination japonais, à sa sortie de l’école des Beaux-Arts de Versailles à l’heure où certains s’endorment déjà sur la méridienne d’un fauteuil transatlantique. Elle, au contraire, cultive depuis et toujours ses multiples talents. Elle les a ordonnés – n’en perdons pas le fil – dans la petite salle lumineuse des Sapinettes qui jouxte la grande plage de Fouras en une trame où se mêlent plusieurs médias : l’écriture, la photographie, la peinture et l’estampe.
Une partie de l’exposition (Cl. Francine Minvielle)
Toutefois, l’estampe tisse maintenant une part prépondérante dans son travail. Les impressions d’encres sur le papier la passionnent. Elles lui servent surtout à rehausser son expression et non à la reproduire en multiples exemplaires. Comme elle l’affirme : « Il y a l’estampe, mon lien indéfectible avec la gravure que j’ai découverte sur le tard et qui ne me lâchera plus. Ici, dans les deux séries « Méandres » et « Fil de soi », il s’agit plutôt d’apposer dans l’encre un matériau et d’en recueillir l’empreinte sur papier. Ce matériau s’apparente à du textile qui est préalablement déchiré, effiloché et encré pour enfin imprimer la forme picturale souhaitée. Ces impressions sont réalisées sur d’anciennes couvertures de livrets japonais du XIXe siècle dont les écrits encore visibles, sont partiellement et volontairement camouflés. » On l’aura compris, le fil qui relie tous les travaux présentés ici trouve sa source dans le geste de la main qui écrit, dessine ou peint et dont les traces se transcrivent aussi en caractères typographiques dans des livres ou des coupures de presse. La peinture et le monotype viennent ainsi souligner, fixer ou effacer les souvenirs de tous ses discours intérieurs.
« Matricule 3307 » de Francine Minvielle (Cl. Francine Minvielle)
Parmi ceux-ci, celui de l’amour filial n’est pas des moindres. On le sent vibrer dans l’installation « Matricule 3307 » composée d’une quarantaine de feuillets mobiles choisis dans les mémoires écrits paternels. Ceux-ci dialoguent avec les surimpressions de l’artiste qui les révèlent, les subliment ou les occultent. Un livre d’artiste fabriqué en un unique exemplaire les accompagne et en reproduit en cinq monotypes l’essentiel. Comme beaucoup d’artistes d’aujourd’hui, Francine Minvielle transgresse les catégories où l’on clôt trop souvent les disciplines artistiques. Dans cette exposition, l’estampe en unica est devenu ce fil subversif qui court sur toute sa présentation comme sa peinture l’est sur ses kimonos de soie ou ses manipulations d’anciennes photographies. Elles brossent ainsi une sorte d’auto-portrait où les jours s’enfilent paisiblement sur les rivages du pertuis d’Antioche dans la trame de ses souvenirs.
Claude Bureau