Le Dit de ma vie flottante

« La bibliothèque » estampage de Pascale Smonet (Cl. Michel Deroide)

« Le dit de ma vie flottante »
Exposition de gravures et de céramiques
Galerie l’Entr@cte de Ville d’Avray (92)
du 11 mai au 4 juin 2023

C’est le titre de l’exposition de Pascale Simonet et de cinq autres artistes. Ils présentent à la galerie l’Entr@cte à Ville-d’Avray du 11 mai au 4 juin 2023, de nombreuses impressions sur papier ainsi que des céramiques. Voici en quelques lignes mon ressenti à la suite de cette exposition qui m’a plus que conquis, qui m’a troublé. Dommage qu’elle n’ait pas vocation à partir en tournée. Peut-être en reverrons-nous quelques éléments dans d’autres temps dans d’autres lieux.

Il arrive que, pour leur pot de départ, des néo-retraités se fassent offrir des tubes de peinture et quelques chevalets. Après, ils n’ont de cesse, ayant pris ou non quelques cours, d’exposer rapidement leurs croûtes, croyant faire du Francis Picabia, voire et c’est encore pire, du Jackson Pollock. Tout le monde n’est pas non plus Joan Mitchell, expressionniste abstraite américaine dont les œuvres doivent beaucoup aux nymphéas de Claude Monet. Tout cela pour dire que, si je suis sensible au réalisme et au figuratif, je ne suis pas non plus opposé à l’art abstrait.

Mon opinion sur les impressions date de l’époque de mes premières vraies lectures, quand les textes étaient parfois accompagnés de gravures en noir et blanc. Ces gravures, je les trouvais tristes et éloignées du film que la lecture projetait dans ma tête. Je m’en servais avant tout comme un but à atteindre… Je lis jusqu’à l’image, pensais-je. Mais, arrivé à elle, je ne retrouvais pas le texte que je venais de lire, l’image était statique alors que mon film était dynamique. Le titre de l’exposition de Pascale Simonet m’a interrogé : « Le Dit de ma vie flottante ». Ma première réaction fut de penser : « Mais la vie de tout le monde est flottante, sauf peut-être à la suite d’une prise de décision irrévocable qui la fige, comme rentrer chez les moines par exemple, et encore.» Aussi me suis-je retrouvé au premier étage de l’Entr@cte, dans la salle d’exposition qui n’est pas une salle à proprement parler mais cinq pièces qui communiquent entre elles. Toutes avec fenêtres donnant sur l’extérieur, d’où une luminosité presque parfaite. Cette disposition convenait parfaitement aux quatre thèmes traités que j’ai découverts à l’occasion d’un premier tour de piste rapide. Je cite : L’équilibre du déséquilibre, La bibliothèque et le catalogue, Les passes et le tunnel, Figurer les mots !

Carton gravé sur papier de Dominique Moindraut (Cl. Michel Deroide)

Ce premier contact fut très bon, j’ai trouvé l’exposition homogène, les artistes ayant parfaitement assimilé les quatre thèmes, à l’intérieur du thème général. Mon ressenti profond est d’avoir presque fait une expérience initiatique. L’équilibre du déséquilibre : sauf à être funambule, on ne va pas d’un point à un autre sans hésitation, sans retour en arrière et là est toute l’astuce de Pascale Simonet qui force le spectateur à une véritable interrogation sur la trajectoire de sa propre vie.

Les bibliothèques et le catalogue : devant nous, mis en exergue, une série d’immenses panneaux figurant des dos de volumes rangés sur des étagères et censés contenir la représentation livresque du monde ? œuvre utopique, et grandiloquente dont on connaît la suite dans les récits de la Genèse avec la tour de Babel… à moins qu’ils représentent les chapitres des « dits » et pourquoi pas des « non-dits » de nos vies qui, peu à peu, nous alourdissent et dont il conviendrait de se débarrasser.

Céramiques d’Anne Paulus (Cl. Michel Deroide)

Les passes : ainsi donc il existerait des échappatoires à nos existences, ces fameux trous de ver permettant d’atteindre d’autres histoires, d’autres univers. A chacun de trouver le sien mais attention, la route aussi est sinueuse et chaque passage peut en cacher un autre surtout s’ils ne sont pas alignés. Ici, les estampes sont accompagnées de superbes céramiques en pyramides tronquées. La pyramide aussi, en tant que tombeau, est une belle métaphore du passage et de la survie dans l’au-delà.

Figurer les mots : les mots existent par des signes et représentent des concepts. Mis bout à bout selon des règles de grammaire et de syntaxe, ils ont le pouvoir de relater toutes les sciences, les philosophies, les croyances. Que restera-t-il d’eux qui ont aussi écrit l’histoire de nos « dits » si ce n’est l’ossature des mots ? l’histoire se répète depuis les temps obscurs, les hommes depuis le paléolithique nous ont laissé des signes, des traces de leur existence sur des roches, dans le fond de grottes. Les graphes de mains aux doigts amputés en sont un exemple.

Merci aux artistes associés : Jacques Clauzel, Joelle Dumont, Dominique Moindraut, Anne Paulus et Edith Schmit qui y ont su partager avec Pascale Simonet cette belle aventure présentée par l’association « Terre d’estampes » dans le cadre de l’événement annuel Fête de l’estampe. Leur travail, plus d’une cinquantaine d’œuvres sur papier, encadrées, représentant certaines des techniques d’impression particulièrement utilisées par Pascale Simonet (carton gravé, estampages et litho polyester), auxquelles il faut ajouter huit panneaux géants de plus de deux mètres de hauteur, des livres et des pièces en céramique… du beau travail !.

Michel Deroide