La nature enluminée

Entrée du musée Bernard d’Agesci et affiche de l’exposition
(Cl. Gérard Robin)

Musée Bernard d’Agesci
26 avenue de Limoges 79000 Niort
21 juin 2024 au 12 janvier 2025

Un beau titre que celui de « La Nature enluminée », qui convie en cela à visiter la dernière exposition temporaire du musée Bernard d’Agesci de Niort. Ce soir du 20 juin, c’est le vernissage, avec une belle surprise, celle de la mise en avant de l’estampe. Près de 140 invités sont accueillis par Alain Chauffier, vice–président de la communauté d’agglomération du Niortais en charge de la culture, et par les commissaires d’exposition : Fabienne Texier, directrice par intérim des musées de la ville et experte en évènement muséal, et Jean Worms, naturaliste et grand bibliophile. Nous sommes dans le grand hall du musée, avec en cimaises, à l’opposé d’une grande verrière, les œuvres des élèves de l’École d’arts plastiques Pablo-Picasso, qui, sous la houlette de Cédric Neau, professeur de dessin et gravure, se sont inspirés des planches « Papillons et insectes » du peintre et décorateur Émile-Alain Séguy (1877-1951).

Une sympathique entrée en matière avant l’immersion dans un environnement que je qualifierais de magnifique, riche en documentation et matériels exposés. Un texte affiché à l’entrée présente l’argument de l’exposition : « Bienvenue dans le monde fascinant et méconnu de l’illustration naturaliste. Il serait plus juste de parler de l’édition naturaliste illustrée. En effet, même si elles sont très recherchées comme objets de décoration, les images naturalistes produites entre le 16e et la fin du 19e siècles avaient vocation à illustrer un texte et trouvaient leur place dans des livres d’histoire naturelle. L’image naturaliste donne à voir ce que le texte donne à connaître. Elle en est le prolongement visuel tel que souhaité par l’auteur et réalisé par l’artiste. Plus prosaïquement, elle permet aussi, comme l’écrit Buffon dans l’introduction de son « Histoire naturelle des oiseaux », d’éviter de fastidieuses descriptions surtout quand elle est coloriée. »

S’ensuit un défilement de salles où tout est bien présenté et mis en scène, à commencer par des panneaux d’histoire de l’illustration naturaliste par l’estampe, allant du milieu du 15e siècle à son âge d’or (1750-1850), et que des spots mettent en relief dans des rondeurs lumineuses qui focalisent le regard.

L’estampe dans son évolution (Cl. Gérard Robin)

Un fil conducteur visuel qui décrit l’évolution de l’estampe, en six étapes essentielles. Sans entrer dans les détails, en voici les titres, enrichis de planches illustrées, de portraits des principaux acteurs de l’art concernés, de commentaires où l’essentiel est dit. Avant 1450 des manuscrits copiés et enluminés à la main. 15e siècle (à partir de 1450) une révolution commence… 16e siècle le règne de la gravure. 17e siècle la gravure sur bois résiste mais la gravure sur cuivre s’impose. 18e siècle l’âge d’or de la gravure sur cuivre. 19e siècle le triomphe de la lithographie.

Le parcours nous conduit dans un petit espace très sobre mais aux couleurs chaudes, oranges et rouges, dédié, pour le profane, à l’estampe d’aujourd’hui et où figurent les trois principales composantes de l’estampe. Elles sont présentées, pour les deux premières, sur des panneaux didactiques et des vitrines montrant l’outillage requis, des exemples de planche et tirage : ainsi pour la xylographie et la chalcographie, cette dernière étant illustrée par le cuivre et l’épreuve d’une gravure intitulée « Écran végétal pour une chanteuse », l’un des plus beaux burins du grand François Verdier (1945-2014), artiste et professeur de gravure à Niort.

« Écran végétal pour une chanteuse » burin sur cuivre de François Verdier
(Cl. Maïté Robin)

En troisième position, la lithographie, représentée superbement par la presse dite « bête à cornes », prêtée par le Musée de l’imprimerie de Nantes, et placée devant un grand poster, montrant la gravure d’un atelier avec un imprimeur en action. Une pierre litho est en place, avec quelques tirages traînant négligemment ici et là.

Et la visite se poursuit par des reconstitutions, comme celle du cabinet de travail d’un naturaliste de la fin du 18e – début 19e siècle, avec des naturalisations animalières et nombre d’illustrations gravées, tirées d’ouvrages historiques et, derrière une belle maquette de voilier trois-mâts, une grande reproduction d’une « Mappe Monde » de 1816 indiquant les tracés des voyages des grands explorateurs.

Une des salles : entre gravure et naturalisation
(Cl. Gérard Robin)

S’ajoutant à deux peintures de Rosa Bonheur (1822-1899), une place particulière est faite aux femmes, avec la présence de six grandes dames de l’imagerie animalière ou, pour l’une, végétale, mises en valeur par des posters en forme de kakémono, délimités par un éclairage précis, où leur visage est accompagné d’une notice et d’exemples de leur travail. Citons : Anna Maria Sybilla Merian (1647-1727), « une naturaliste exploratrice » ; Barbara Regina Dietzsch (1706-1783), « une peintre de fleurs novatrice, au sommet de l’art botanique » ; Madeleine-Françoise Basseporte (1710-1780), « peintre du jardin du roi » ; Pauline Jacqueline Knip (1781-1851) (née Rifer de Courcelles) « premier peintre d’Histoire naturelle de S.M. l’impératrice Marie-Louise » ; Elizabeth Gould (1804-1841), « dans l’ombre de John Gould » ; Geneviève Estelle Jones (1847-1879), dite « l’autre Audubon ».

À ce propos, à compter du 20 septembre 2024, l’exposition sera enrichie d’un prêt exceptionnel émanant de l’Institut de France, celui de six œuvres de très grands formats, de Jean-Jacques Audubon (1785-1851). C’est là un événement majeur, signe supplémentaire, s’il en était besoin, du prestige du Musée Bernard d’Agesci de Niort et de la qualité de son équipe événementielle.

Gérard Robin