Vue d’ensemble (Cl. Gérard Robin)
« In choro bestiarum », exposition
Atelier de la Fondation Taylor
1 rue La Bruyère 75009 Paris
2 au 25 novembre 2023
Avant de monter à l’atelier de la Fondation Taylor, où « La Taille et le Crayon » présente son nouvel opus de « In choro bestiarum », l’enchantement vous étreint dès les rez-de-chaussée et sous-sol, lesquels, depuis notre dernier passage, ont été rénovés et transformés pour accueillir les expositions (y prévoyant un espace dédié au baron et à son action), et où en plus resplendissent des œuvres des artistes talentueux présents sur les murs. Ainsi celles du plasticien néerlandais Antonius Driessens, maître de l’illusion, avec des trompe-l’œil en bois et en textile denim en deux dimensions, qui mettent en valeur et réhabilitent en beaux montages aux reliefs réalistes, qui s’accrochent comme des tableaux, des matériaux rejetés ou usés dont la société se défait. Ainsi celles de Saïd Farhan, qui a quitté son Irak natal mais en évoque la quintessence culturelle et mémorielle, celle de Bagdad la rayonnante, intensifiée par l’exil, dans de belles compositions de signes et de textures, généralement peintes mais certaines gravées… Ainsi, bien sûr, celles de notre buriniste, Catherine Gillet, qui, au travers de titres expressifs, taille dans le métal des bribes de sa sensibilité picturale et inscrit dans la vacuité du papier des visions abstraites spatiales, gravées ici et là, véritables fragrances graphiques…
Puis, au quatrième étage, coupé d’une mezzanine agrandie, le choc des images !
Sous la grande baie donnant sur la rue La Bruyère, de grandes surfaces à la pierre noire et au fusain, rehaussés d’encre de Chine, évoquent un bestiaire préhistorique jaillissant d’éléments du corps humain. Que l’auteur invité d’honneur, le plasticien et clarinettiste Benjamin Bondonneau, artiste pluriel, qualifie comme « des natures mortes au noir pour lire l’animal qui est en soi ». Le ton est donné pour cette manifestation originale et surprenante, organisée par les curateur et curatrice Carlos Lopez et Catherine Saltiel, et dont ce serait le deuxième volet, mais inédit pour moi et donc grande surprise, car je n’avais pu découvrir la précédente. Un ensemble hybride où voisinent dessins et estampes, conformément aux statuts de l’association dictés par les présidents honoraires, Pierre Chahine et Claude Bouret, et qui est une véritable performance…
Dessins de Benjamin Bondonneau (Cl. Gérard Robin)
Quel thème ! Il faut alors invoquer celui qui fut à la base de cette inspiration et qui a séduit l‘équipe de « La Taille et le Crayon » : Raphaël Saint-Rémy. Il est un personnage singulier, car écrivain et aussi musicien (piano, hautbois, ondes Martenot, etc.), qui se réfère dans ses écrits, ici, au naturaliste britannique Charles Darwin (1809-1882) pour imaginer et décrire, dans « Des espèces en voie d’apparition », un bestiaire fantastique et fantasque de quelques 113 animaux imaginaires, accompagné dans l’édition (« Le Chant du moineau », 2016) de 16 gravures de Benjamin. C’est à partir d’éléments du texte original, que s’est alimenté le souffle créateur des artistes membres de l’association et invités, et par lequel la manifestation a pris forme. Évocations marquées du label évident de l’interprétation, mais nécessairement créatives dans l’imaginaire de chacun, et au final originales.
« Le sphinx siamois de l’iris », Nathalie Grall (Cl. Gérard Robin)
Nombre de créations, baptisées de noms improbables : « Hippogon, Envolorse, Slote, Alcakl, Clatch, Bestiole Pinocchio, Mues Voyageuses, Iurle, Rimiche, B’Naya, Sapo.Bot, XZ, Jerobo, Polythenepterus Horibilis, Elabore, Dago, Giaco, Chor-Kiwou, Inobar, Queirdcoreutopia, Aquabon, Impaire, Lappyfish, Oiseaupin, Aguf, Merciarios, Achdeuzotte, Staccate, Anatos, Trouk, Equus Gangloffi, Leste, Ourbis, Élabore, Omne-Cisaille, Parog, B’No, Borbore et Serre Gond Drapant… » ont envahi les murs de l’atelier. Des formes de vie qui, à la réflexion, tiennent du possible (on en découvre toujours de nouvelles), y ajoutant la naissance bien réelle dans le passé de l’« Humanus Praedator », espèce polychrome, toujours en expansion et qui menace désormais la « Planète bleue », la pollue et la déchire, œuvrant curieusement à sa propre disparition…
Mais fermons la parenthèse et revenons en cimaises : taille-douce, taille d’épargne et gaufrage y évoquent magnifiquement les visions de Raphaël Saint-Rémy. Citer tous les acteurs de ces représentations, 42 dessinateurs et graveurs, tant la richesse d’expressions accroche et séduit le regard, me semble difficile. La lecture du catalogue, où chaque intervenant relie sa création à ces bestioles imaginées permet une approche fine de leur expression.
Sans oublier les manifestations annexes exceptionnelles qui eurent lieu le vendredi 17 novembre : une performance de Ivan Sigg, artiste et écrivain, poète et dramaturge, animateur et consultant en innovation et créativité en entreprise, avec le dévoilement d’un « Serre Gond Drapant » et la naissance d’un « Kalao tri-Korne » ; et le samedi 18 novembre : la lecture d’une sélection de textes de Raphaël Saint Rémy et ceux imaginés par les artistes, avec Joëlle Pehaut, Delphine Herscovici, Catherine Saltiel et Paule Laurian. Compliments à « La Taille & le Crayon » et ses artistes, en particulier les président et vice-président, Carlos Lopez et Yves Dodeman, pour leur esprit novateur. Et merci à Véronique Murail, autrice d’un « Perpétuel sans queue ni tête », pour son accueil lors de notre visite.
Gérard Robin