Graver pour le Roi

“Graver pour le Roi”
Le Louvre – Rotonde Sully
99, rue de Rivoli
75001 Paris
21 février au 20 mai 2019

Grand soleil sur Paris. De la foule sur les trottoirs, à pied ou en trottinette, une effervescence qui se retrouve jusque sous les verrières de la grande pyramide du Louvre, en découverte des boutiques de luxe, et surtout en visite des diverses collections du musée et de sa propre histoire d’architecture.
D’où la recherche d’un peu plus de calme et d’intimité, sachant en particulier qu’à la Rotonde Sully se tient une exposition plus discrète par essence, intitulée “Graver pour le Roi”, composée par Jean-Gérald Castex, conservateur au département des Arts graphiques.

Salle avec l’Atalante Mazarin (Cl. Gérard Robin)

Dans une relative pénombre et l’éclairage discret des œuvres en cimaise, on se retrouve dans un lieu où Baudelaire aurait ressenti le luxe des cuivres aciérés en brillance de réflexion, le calme dû aux visiteurs, inquisiteurs silencieux des tailles, et volupté de vivre des instants rares, de par la qualité de ce qui est présenté, de la beauté de gravure. Dans la première salle, une jeune fille, assise à même le sol, croque un superbe marbre antique du IIe siècle, intitulé “Atalante Mazarin”, que Claude Mellan a transcrit au burin en 1671, sous le titre “Statue en marbre d’une jeune chasseresse”.

“Statue en marbre d’une jeune chasseresse” – Claude Mellan (1671)
(Cl. Gérard Robin)

Et la visite de se poursuivre, dans une ambiance ouatée, à la rencontre de chefs d’œuvres de la gravure passée. L’enchantement accompagne la découverte du talent des artistes de l’époque, tels Girard Audran, Gérard Edelinck, Sébastien Lecler, Claude Mellan, Israël Sylvestre, et nombre d’autres graveurs (il est difficile de tous les nommer), qualifiés de virtuoses de la gravure, libérés statutairement en 1660 des contraintes du contexte artisanal exclusivement corporatif, par l’Édit de Saint-Jean de Luz (un 26 mai, date retenue pour la Fête nationale de l’estampe lancée en 2013 par Manifestampe) et qui participèrent au XVIIe siècle à l’élaboration du “Cabinet du Roi”, une réalisation graphique, réunies en 23 volumes, de près de 1000 planches (crées entre 1665 et 1683), mettant en lumière ce qui participa à la grandeur de Louis XIV : les faits d’arme, les fêtes, les collections artistiques, les grandes réalisations architecturales et monumentales, les avancées scientifiques…
Une action qui sera poursuivie au XVIIIe siècle, dans ce que l’on appela “Les Menus-Plaisirs du roi”, et auquel s’ajoutèrent les commandes de l’Académie royale de peinture et de sculpture, fondée en 1648.

Eau-forte pure (droite) et avec burin (gauche)
de Jean Daullé d’après Hyacinthe Rigaud (1742)
(Cl. Gérard Robin)

Et de remarquer, parmi ces œuvres flamboyantes, quelques dessins préparatoires, mais surtout les estampes correspondantes aux planches gravées, avec parfois des états, montrant le passage d’une eau-forte pure à l’effet obtenu par l’incision du burin… Des progressions éloquentes du savoir-faire et de l’apport des techniques ! Et comme l’écrit le communiqué de presse : « Cette exposition vise à appréhender, par une confrontation du cuivre et de l’épreuve, le cœur du travail de l’art du graveur. »

C’est passionnant et, pour les artistes d’aujourd’hui, une leçon de gravure, au travers des “manières” pratiquées en un temps où la France du “Roi soleil” rayonnait véritablement sur l’estampe européenne et la dominait.
À voir absolument.

Gérard Robin