« La fuite en Égypte » de Rembrandt-Segers (Cl. Guy Braun)
« Graver la lumière – L’estampe en 100 chefs-d’œuvre »
du 5 juillet au 17 septembre 2023
Musée Marmottan Monet 7500 Paris
Il faut absolument faire découvrir à tous ceux qui ne connaissent pas l’art de l’estampe cette très impressionnante exposition. Aujourd’hui où l’image envahit notre espace quotidien, un retour aux sources s’impose. La centaine d’œuvres magnifiquement présentées forme une synthèse de ce qui constitue l’histoire des maîtres de l’estampe. Pour un amoureux de la chose gravée, on y est comme à la maison, tout le monde est présent : Dürer, Rembrandt, Callot, Piranèse, Goya, Bresdin, la plupart des peintres-graveurs de leur époque et j’en oublie. Ce parcours repose sur une double approche de l’estampe, à la fois cheminement historique des préoccupations de chaque période et parcours plus didactique des pratiques de cet art majeur. Ainsi une des dernières salles de l’étage offre un lexique des techniques, illustrées de vidéos et d’une vitrine où sont rangés les outils du graveur.
Une vue de l’exposition (Cl. Guy Braun)
En descendant dans la dernière salle, on découvre l’art de l’héliogravure et son utilisation en photographie. Outre la technique détaillée de l’aquatinte, cette mise en valeur de l’image photographique, surtout axée sur les travaux des artistes américains de l’école Camera Work (Steichen), permet de revenir au thème qui devait éclairer notre parcours : la lumière.
Or, c’est le titre de l’exposition justement qui m’inspire quelques réserves. En effet, le sujet était passionnant mais il s’efface souvent au profit de l’histoire de l’art ou de l’évolution des techniques de l’estampe. Le découpage du très beau catalogue est d’ailleurs révélateur de ces hésitations. De ce point de vue, la section sur le classicisme français est assez déroutante : on y trouve certes Callot (même si je le classe plus volontiers chez les maniéristes aux côtés de Bellange et Juste de Juste), Nanteuil et Mellan (« la Sainte Face »), mais aussi bizarrement Morandi. J’ai noté d’autre part l’absence de la gravure en bois de bout ? Peut-être toutes ces lacunes résultent-elles des choix originaux du collectionneur William Cuendet qui constitua ce premier fonds alimenté ensuite par sa fondation et l’atelier de Saint-Prex (Suisse). Le catalogue révèle d’ailleurs que cette exposition reprend de façon augmentée une exposition de 2017 dont le titre Impressions fortes me semblerait plus cohérent avec l’accrochage.
Une autre vue de l’exposition (Cl. Guy Braun)
Amis graveurs, accompagnez donc vos proches pour leur permettre d’apprécier la richesse de l’exposition et leur éviter de se perdre dans l’abondance des références. Je pense particulièrement à quelques œuvres qui mériteraient des commentaires plus détaillés. Ainsi la découverte de la Fuite en Egypte de Rembrandt perd une partie de son intérêt si l’on ne connaît pas l’histoire de l’appropriation de la plaque de Segers (Tobie et L’ange), grattée et regravée en partie par Rembrandt.
Guy Braun