« L’atelier du carton gravé »
Galerie l’Entr@cte
3 rue de Versailles
92410 Ville d’Avray
du 26 mai au 8 juin 2019
On aurait tendance à penser qu’un carton gravé est un petit rectangle qu’on donnait naguère, en présentant ses civilités, à la personne inconnue avec laquelle on désirait prolonger la conversation. Plus prosaïquement, il s’agit bien ici de cette matière papetière dont le collectif « Carton extrême carton » promeut l’usage comme plaque à graver pour imprimer des estampes. Il est donc naturel qu’il choisisse ce titre : « L’atelier du carton gravé », pour sa nouvelle participation à la Fête de l’estampe 2019, afin d’intituler cette exposition qui montre les multiples expressions que des matrices en carton gravé sont capables de produire.
Habitués que nous sommes aujourd’hui à des expositions presque jansénistes où une œuvre garde toujours ses distances avec celles qui l’entourent, ici, dans les quatre salles dont est constituée la galerie sise au premier étage de l’ancienne maison bourgeoise transformée en espace culturel par la municipalité de Ville d’Avray, ce collectif d’artistes a pris le parti inverse et s’est lancé dans une profusion de propositions qui mêlent – toutefois parfaitement ordonnées et accrochées – du plus petit format au plus grand, de nombreuses estampes dans un espace malgré tout restreint. En outre de cette abondance, l’absence de protection vitrée et d’encadrement donnent à l’ensemble de « l’atelier » un aspect vivifiant et léger qui sait éviter le côté parfois compassé et solennel de bien des accrochages artistiques.
Une vue des salles (Cl. Claude Bureau)
Dans la salle d’accueil, sur deux tables blanches, des réalisations, que des esprits chagrins pourraient qualifier de cartonnage, attirent le regard. Elles mettent en volume la malléabilité esthétique de cette matière carton. L’art peut aussi tenir dans les mains : des petites boîtes, vases ou tirelires de Serge Bolland avec les estampes colorées, découpées et contrecollées de Dominique Moindraut, ou bien encore des carnets et des crayons à papier gainés des estampes colorées de Maryanick Ricart.
Les trois autres salles méritent, elles aussi, une lente déambulation tant les nombreuses estampes punaisées magnétiquement sur les murs blancs imposent que l’on s’arrête longuement devant chacune elles. Dans une grande composition orthogonale, Pascale Simonet assemble de multiples formats qui se répondent dans un complexe échiquier de noirs et blancs. Le bestiaire de Michèle Atman surgit là où ne l’attend pas, sorti tout frétillant de ses paysages imaginaires. Les livres d’artiste de Joëlle Dumont attendent sagement dans une vitrine enfin ouverte où une paire de gants blancs incitent à les compulser à loisir. Le dièdre consacré aux touches colorées de Dominique Moindraut appelle à une joyeuse rêverie. Enfin, les tirages de Julien Mélique, présentés parfois côte à côte de leur matrice légèrement colorées, mettent en lumière toute une série de matières et de gris, abstraitement figuratifs ou figurativement abstraits, subtilement dégradés en un jeu polyphonique issu du seul carton gravé, encré, essuyé et imprimé.
Une autre vue des salles (Cl. Claude Bureau)
Pour ceux qui en douteraient encore, le carton, cette vile matière si communément répandue, peut, quand il est utilisé avec talent, être une matrice d’estampe égale à toutes les autres matières : qu’importe la matrice pourvu qu’on ait l’image !
Claude Bureau