Art métropolitain

Une vue de la section gravure des « Artistes français »
(Cl. Claude Bureau)

« Art capital »
Grand-Palais Paris VIIIe
19 au 22 février 2025

En cette dernière quinzaine de février 2025 la métropole parisienne offrait abondamment à ceux qui se passionnent pour l’art de l’estampe l’occasion de rassasier leurs regards. Qu’on en juge : « Art Capital » au Grand-Palais, Damien Deroubaix à la BnF, « Illusions (conjugales)… » à la Maison Balzac, « Figures » à la galerie Anaphora, Gilles Martin-Lecointe à la Fondation Taylor, « Traits d’union de la JGC » à la mairie du VIe, etc. Devant cet abondance, le choix était embarrassant. Aller admirer la verrière du Grand-Palais rénové et son architecture de fer repeinte en vert céladon sur l’ocre lumineux de ses murs était bien tentant. Une visite sur la rive droite de la Seine peut-être suivie d’une autre sur sur sa rive gauche s’imposaient ce jour-là. D’autant plus que l’évènement ne durait que quatre jours. Fendu la foule de la place Georges Clemenceau, franchi l’embrouillamini des barrières métalliques, des barnums et des longues files d’attente des deux autres expositions de prestige et passé le porche, sous la lumière de la verrière une multitude de stands dévoilait toute l’importance de cette manifestation où deux mille artistes accrochaient leurs travaux.

Une seule après-midi ne suffirait donc pas à regarder toutes leurs œuvres. Dès l’entrée, après une station sans génuflexion devant les tristes figures des sinistres peintures de Michel Ciry auquel « Art capital » rendait hommage, on pouvait flâner dans le nouveau salon « In situ ». Organisé à l’initiative du « Salon des indépendants » et composé de trente stands spacieux, trente artistes y présentaient leur « one man show » ou leur « one woman show ». On pouvait aussi admirer le kimono de cérémonie de l’hôtesse et des œuvres qu’elle présentait sur l’espace de la délégation japonaise aux « Indépendants ». Puis poursuivre dans le dédale du « Salon du dessin et de la peinture à l’eau » et se perdre entre les trente-cinq groupes du « Salon comparaisons » avant de parvenir au « Salon des artistes français ».

Les linogravures de Jean-Pierre Ritz (Cl. Claude Bureau)

Dans les trois nefs et sur le balcon déambulatoire du Grand-Palais on trouvait donc tout, de toutes factures, pour tous les goûts et les dégoûts, de l’esbroufe talentueuse à la sincérité besogneuse en passant par le talent maîtrisé, dans tous les beaux-arts d’aujourd’hui : peintures, dessins, sculptures, installations… et peu d’estampes. L’hommage à Michel Ciry avait oublié qu’il fut un graveur à succès du XXe siècle. Seuls la section « gravure-estampe » des « Artistes français » et les groupes « De l’âme à l’estampe » et « Art-croisements » de « Comparaisons » leurs faisaient une place. Une nouvelle preuve, s’il en est besoin, que l’art de l’estampe demeure encore un art mineur voire ringard même en art capital.

« Bon chien chasse de race » de Kristina Buga (Cl. Claude Bureau)

Quoi qu’il en soit, la section des « Artistes français » partageait avec ses exposants une belle surface préservant l’intimité du regard des visiteurs sur les estampes accrochées. On pouvait aussi compulser les cartons ouverts par chacun des graveurs présents. Sans pouvoir les citer tous, signalons tout de même : les deux xylographies de Raùl Villulas, « Le rêve d’Ariane » en noir et blanc et « Le tissu des rêves » en couleurs ; les trois estampes de Guy Braun, animateur de la section, dont l’aquatinte « La lettre » était accompagnée de sa matrice en zinc ; les très simples et figuratives linogravures du breton Jean-Pierre Ritz, par ailleurs sculpteur, dont le prosaïque « Tas de fumier » se jouait sur plusieurs plans. L’air du temps n’était pas absent avec la série « Regrets » de Sébastien Lacombe qui découpait et mettait en volume rehaussé de bleu un portrait de jeune homme. Et, surtout, avec la monumentale – au moins deux mètres de long sur un mètre cinquante de hauteur – linogravure expressionniste en noir et blanc : « Bon chien chasse de race » de Kristina Buga, récompensée par le prix Taylor. Elle clôtura ainsi la visite d’un évènement majeur de l’art d’aujourd’hui dans sa gigantesque diversité. Comme le disait Arnaud Amalric au siège de Béziers : « Dieu reconnaîtra les siens… », le reste étant affaire de goût personnel.

Claude Bureau