Hommage à André Jacquemin
exposition de gravures
Galerie l’Entr@cte
3-5 rue de Versailles
92410 Ville d’Avray
du jeudi au dimanche de 15h à 19h
du 5 au 31 décembre 2019
La petite localité de Ville d’Avray a noué, de longue date, quelques liens avec l’estampe. Jean-Baptiste Camille Corot, peintre et graveur, a naguère résidé dans cette commune où existe encore, à l’extrémité du mail Alphonse Lemerre, sa maison. Voisin de l’étang-neuf, il peignit et grava maintes fois le paysage de ces deux étangs dénommés aujourd’hui les « étangs de Corot », désignation qu’a reprise l’ancienne hôtellerie « Cabassud » motif, elle aussi, de plusieurs de ses tableaux. Grâce au sénateur-maire Denis Badré, du maire Aline de Marcillac et de son adjointe à la culture Élisabeth Frank de Préaumont, ces liens se poursuivent aujourd’hui. En effet, la municipalité a restauré et transformé en espace culturel un ancien hôtel particulier du XIX° siècle situé à côté de l’église de Ville d’Avray. Dans l’étage noble de cette maison, la galerie l’Entr@cte accueille, depuis son ouverture en juin 2015, de nombreuses expositions d’estampes s’inscrivant pour certaines dans le cadre de la Fête de l’estampe. En ce mois de décembre 2019, la galerie propose un hommage au Lorrain André Jacquemin (1904-1992), membre de l’Académie des Beaux-arts (1981-1992) et membre fondateur de « La jeune gravure contemporaine ».
André Jacquemin sur sa presse, à Épinal en 1932
Il n’a pas été simple à la dynamique animatrice de la galerie, Nathalie Soulier, et à Marie Jacquemin, la belle-fille de l’académicien, qui continue de diffuser l’œuvre gravé de son beau-père, de choisir, dans ce vaste fond de près de deux mille pièces, les estampes les plus significatives du graveur. Des paysages et des portraits constituent la majeure part de celles accrochées ici. Il faut prendre le temps d’aller d’un pas tranquille au travers des quatre salles pour admirer à loisir les estampes de ce maître du paysage. Tous les siens, et particulièrement ceux de l’entre-deux guerres, magnifient le lent travail du paysan qui les a façonnés, avec ces champs, prés, labours, haies, clôtures, piquets, tous parcourus par ces chemins vicinaux bordés d’arbres qui mènent à un village et son clocher lovés dans le repli d’une colline derrière les ondulations d’un champ d’orge.
« Octobre en Lorraine » (1939)
Dans chacune de ces gravures, la profondeur de champ ne délaisse aucun détail des proches ou des lointains. Sous des cieux toujours présents en toutes les saisons, avec leurs nuages, l’orage – sous lequel, à la lisière d’une haie, un couple de chevaux termine son sillon – leurs ombres portées ou même leur bleu uniforme, rendu ici par une large plage blanche. Les pleins et les déliés du trait gravé plante l’arbre et son branchage ou bien la colline qui ondule dans le lointain et que soulignent à peine de fines incisions.
« Septembre en Beaujolais » (1986)
Au cours des rigueurs de l’occupation, le trait se transforme, s’épure de tous ces détails, il se noircit quelque peu, abandonne les nuances. Cette manière de faire perdure après-guerre, comme dans « Septembre en Beaujolais » (1986) où ne subsistent que les lignes essentielles du paysage. Elle se poursuit aussi dans de très expressifs portraits où l’incision forte et noire s’impose sur le blanc du papier, identique, dans une lumineuse clarté, à celle dont il use dans « Inondation dans la Marne » (1981). Une exposition qui montre encore, s’il en était besoin, que la force d’une estampe gravée procède autant du délié de son trait que de son subtil équilibre avec les plages de la plaque laissées vierges. Aptitude dont André Jacquemin utilisait avec maestria.
Claude Bureau