Une des salles de l’exposition (Cl. Carton extrême carton)
Biennale internationale du carton gravé #3
Ville d’Avray 92410
16 mai au 2 juin 2024
Le collectif « Carton Extrême Carton » organise la troisième Biennale internationale du carton gravé et donne à voir les œuvres de 60 artistes dans la galerie l’Entr@cte à Ville d’Avray. Cette année, le thème en est « Cartons pluriels, ou de l’usage du polyptyque » ; toutes les estampes sont réalisées à partir de matrices en carton gravé, quel qu’il soit : carton gris, carton bois, carton ondulé, de récupération ou acheté…
Comme d’habitude à l’Entr@cte, l’espace, sa lumière généreuse, ses fenêtres donnant sur de grands arbres, ses murs lisses tantôt blancs tantôt vivement colorés, magnifient l’accrochage. La contemplation n’est pas gênée par les reflets, les estampes étant proposées au regard nues, sans encadrement, simplement soutenues par de petits aimants. Détail qui a son importance. Les estampes issues de carton gravé bénéficient peut-être encore plus de cette proximité directe avec le public, tant la perception des textures prend de l’importance : différents grains, rugosités, stries, plissés, à-plats lisses, irrégularités des contours, richesse des valeurs et des couleurs, jeux de superposition… Tout concourt ici à créer un alphabet plastique très profus, inventif, mettant en avant l’expression et la singularité de chaque artiste.
Une autre salle de l’exposition (Cl. Carton extrême carton)
Le carton se laisse deviner, presque toujours, et c’est bien ainsi. Parfois cependant, la finesse du trait est telle, notamment dans les quelques estampes figuratives, qu’on les croirait gravées dans le cuivre. L’ensemble est incroyablement varié, mixte, créant un voisinage dynamique et convivial. Tout au plus pourrait-on regretter que, pour certaines œuvres, le thème du polyptyque n’ait été traité que comme moyen de proposer un grand format composé de plusieurs petites feuilles faciles à envoyer par la poste, sans tirer parti autant qu’on l’aurait désiré de la juxtaposition d’éléments se complétant par leurs différences autant que par leurs ressemblances.
Bonus de l’exposition : une délégation de l’atelier de gravure du « Campus caraïbéen des arts », basé à Fort-de-France, participe à cette biennale avec quelques œuvres très fortes dont certaines ont remporté des prix décernés par les différents jurys. Les étudiants, accompagnés de leurs professeurs, ont fait le déplacement pour le vernissage et ont même participé à la rencontre du 17 mai 2024 animée par Pascale Simonet et Dominique Moindraut sur le thème des « Enjeux de l’estampe dans le monde artistique aujourd’hui ».
Les estampes caraïbéennes (Cl. Carton extrême carton)
Il y a été question des profondes mutations que connaît l’art de l’estampe aujourd’hui, et de la place toute particulière qu’elle tient dans la grande famille de l’image imprimée : la matérialité brute, le recours à différentes techniques, traditionnelles ou contemporaines, mais toutes très manuelles, par opposition à la photographie ou aux pratiques numériques, sa capacité à se combiner à d’autres médiums artistiques, à travers des installations en techniques mixtes par exemple… toutes propriétés spécifiques de l’art de l’estampe qui ont été évoquées par les participants, atouts indéniables pour les jeunes artistes.
Cette biennale confirme ainsi que, dans les multiples chemins de traverse, si féconds, que propose l’art de l’estampe, la pratique du carton gravé joue un rôle certain dans l’ouverture vers une plus grande liberté.
Anne-Claire Gadenne